Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/76

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quée, à la porte de laquelle on quitte ses pantoufles, si mieux on n’aime les porter à la main, de crainte qu’elles ne se mêlent avec celles des autres. Tout cela se passe en grand silence. On saluë d’une profonde reverence la niche où est l’Alcoran, et cet endroit désigne la situation de la Méque. Aprés cela chacun leve les yeux et se met les pouces dans les oreilles avant que de s’asseoir : la maniére même de s’asseoir est la posture la plus humiliée qu’on puisse prendre parmi eux, car on est assis sur les gras de-jambes ; ils s’y tiennent quelque temps, puis ils baissent les yeux et baisent trois fois la terre : ils se remettent ensuite sur leur séant en attendant que le prêtre commence, afin de le suivre tout bas et de faire les mêmes inclinations que lui. C’est dans ce temps-là que leur modestie est la plus admirable ; ils ne saluent personne, et ils n’oseroient causer ni s’entretenir avec qui que ce soit, pas même regarder à droit ni à gauche. Tout le monde est immobile, on ne crache ni l’on ne tousse : enfin on ne donne des marques de vie que par quelques soupirs profonds, qui sont des épanoüissemens de l’ame envers Dieu, plûtost que des mouvemens mécaniques. Parmi ces soupirs le prêtre se leve ; il porte ses mains ouvertes à la tête, il bouche ses oreilles avec les pouces, leve les yeux vers le Ciel et chante fort haut et distinctement : Dieu est grand, gloire à toy Seigneur. Que ton nom soit beni et loüé. Que ta grandeur soit reconnuë ; car il n’y a point d’autre Dieu que toy.

Voici la priere qu’ils récitent ordinairement les yeux baissez et les mains croisées sur l’estomac. C’est leur Oraison Dominicale.

Au nom de Dieu plein de bonté et de misericorde. Loüé soit Dieu le Seigneur du monde, qui est un Dieu plein de bonté et de misericorde. Seigneur qui jugeras tous les hommes, nous t’adorons, nous mettons toute nôtre confiance en