Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/90

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Celles d’Europe sont mieux bâties, mieux rentées et plus propres que celles qui sont en Asie ; car dans les grandes villes elles sont couvertes de plomb et embellies de plusieurs dômes : mais comme les pluyes sont moins frequentes en Asie, on aime mieux pendant la belle saison, camper dans des campagnes agréablse le long des ruisseaux où l’on pesche d’excellentes Truites. On trouve des perdrix presque par tout.

Comme la charité et l’amour du prochain sont les points essentiels de la religion Mahometane, les grands chemins sont ordinairement bien entretenus, et l’on y trouve assez frequemment des sources, parce qu’ils en ont besoin pour leurs ablutions. Les pauvres gens prennent soin de la conduite des eaux, et ceux qui sont dans une fortune médiocre rétablissent les chaussées. Ils s’associent avec leurs voisins pour bâtir des ponts sur les grandes routes, et contribuent au bien public suivant leurs facultez. Les ouvriers payent de leur personne, et servent gratuitement de maçons et de manœuvres pour ces sortes d’ouvrages. On voit dans les villages aux portes des maisons, des cruches d’eau pour l’usage des passans. Quelques bons Musulmans se logent sous des especes de barrieres qu’ils font construire sur les grands chemins, et là ils ne sont occupez pendant les grandes chaleurs qu’à faire reposer et rafraichir ceux qui sont fatiguez. L’espirt de charité est si généralement répandu parmi les Turcs, que les mendians même, quoiqu’on en voye tres peu chez eux, se croyent obligez de donner leur superflu à d’autres pauvres ; ils outrent la charité, ou plutôt la vanité, car ils donnent leurs restes à des personnes aisées, qui ne font aucune difficulté de recevoir leur pain et de le manger, pour leur témoigner combien ils font cas de leur vertu.

La charité des Mahometans s’étend même sur les ani-