Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/94

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semblent par troupes dans des lieux convenus. Les Sujets du Grand Seigneur qui sont en Europe, se rendent ordinairement à Alexandrie sur des bâtimens de Provence, dont les Patrons s’obligent à voiturer les pelerins. Aux approches du moindre vaisseau, ces bons Musulmans qui n’aprehendent rien tant que de tomber entre les mains des armateurs de Malte, vont baiser la banniere de France, ils s’envelopent dedans et la regardent comme leur azile ; d’Alexandrie ils passent au Caire pour joindre la caravanne des Afriquains. Les Turcs d’Asie s’assemblent ordinairement à Damas ; les Persans et les Indiens à Babylone ; les Arabes et ceux des Isles des environs à Zibit. Les Pachas qui s’aquittent de ce devoir s’embarquent à Suez port de la mer Rouge, à trois journées et demi du Caire. Toutes ces caravanes prennent si bien leurs mesures, qu’elles arrivent la veille du petit Bairam sur la colline d’Arafagd à une journée de la Méque. C’est sur cette fameuse colline qu’ils croyent que l’Ange apparut à Mahomet pour la premiere fois, et c’est là un de leurs principaux sanctuaires. Aprés y avoir égorgé des moutons pour donner aux pauvres, ils vont faire leurs prieres à la Méque, et de là à Medine où est le tombeau du Prophete, sur lequel on étend tous les ans un Poile tres-riche et tres-magnifique que le Grand Seigneur y envoye par devotion : l’ancien Poile est mis par morceaux, car les pelerins tâchent d’en attraper quelque piece, pour petite qu’elle soit, et la conservent comme une relique tres-précieuse.

Le Grand Seigneur envoye aussi par l’Intendant des caravanes cinq cens sequins, un Alcoran couvert d’or, plusieurs riches tapis, et beaucoup de pieces de drap noir pour les tentures des Mosquées de la Méque. On choisit le Chameau le mieux fait du pays pour estre porteur de