Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/97

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Quand on veut se faire décrasser, un valet du bain vous fait étendre tout à fait sur le dos, puis mettant ses genoux sur vôtre ventre, sans autre cérémonie il vous serre étroitement et vous fait craquer tous les os. La premiere fois que je tombai entre les mains d’un de ces baigneurs, je m’imaginai qu’il m’avoit disloqué tous les membres ; ils manient avec la même adresse les vertebres du dos et les os des épaules : enfin il vous razent si vous le voulez, et vous donnent un razoir pour vous razer vous-même où il vous plaît ; mais il faut pour cela passer seul dans un cabinet, à la porte duquel on laisse le tablier pour signal afin que personne n’y entre ; quand on en sort on reprend ce tablier et l’on revient dans la grande sale, où un autre valet vous presse avec ses mains toutes les chairs avec tant d’habileté qu’aprés les avoir bien pétries, pour ainsi dire, sans pourtant vous incommoder, il en exprime une quantité surprenante de sueur : les petits sacs de camelot dont ces valets se servent, tiennent lieu des étrilles des anciens, et sont beaucoup plus commodes. Pour mieux nettoyer la peau, ils jettent beaucoup d’eau chaude sur le corps, et quand on le veut on se fait donner la derniere façon avec une piece de savon parfumé : enfin on s’essuye avec des linges bien propres, bien secs et bien chauds, et la cérémonie finit par les pieds que le même valet lave avec soin, quand on est revenu dans la grande sale où l’on a laissé ses habits : c’est là qu’on vous presente un petit miroir et que l’on reçoit vôtre argent, aprés que vous vous estes habillé, et que vous avez rendu les linges. On fume dans cette sale, on y boit du caffé et même l’on y fait colation ; car aprés cet exercice on se sent un appetit merveilleux. Il est certain que par le dégorgement des glandes de la peau, le bain dont on vient de parler facilite la transpiration, et par consequent la circulation des liqueurs qui arrosent le corps ; on