Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/98

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se sent beaucoup plus de legereté quand on a eté bien décrassé, mais il faut être accoûtumé au bain dés sa jeunesse, car autrement la poitrine ne laisse pas de souffrir dans ces sales échauffées.

Les Dames se trouvent fort heureuses quand on leur permet d’aller aux bains publics ; la pluspart pourtant, et surtout celles dont les maris sont assez riches pour faire bâtir des bains chez eux, n’ont pas cette liberté. Dans les bains publics elles s’entretiennent ensemble sans aucune contrainte, et elles y passent des heures plus agréables que dans leurs appartemens. Les maris qui ont de la complaisance pour leurs femmes ne leur refusent pas ces divertissemens innocens. Trop de contrainte fait quelquefois chercher des raisons de divorce.

Le Mariage chez les Turcs n’est autre chose qu’un Contract civil que les parties peuvent rompre ; rien ne paroit plus commode : neantmoins comme on s’ennuyeroit bientôt parmi eux du mariage, aussi-bien qu’ailleurs ; et que les fréquentes séparations ne laisseroient pas d’être à charge aux familles, on y a pourveû sagement. Une femme peut demander à être séparée d’avec son mari, s’il est impuissant, addonné aux plaisirs contre nature, ou s’il ne lui paye pas le tribut la nuit du jeudi au vendredi, laquelle est consacrée aux devoirs du mariage. Si le mari s’en aquitte honnêtement, et qu’il lui fournisse du pain, du beurre, du ris, du bois, du caffé, du cotton et de la soye pour filer des habits, elle ne peut se dégager d’avec lui. Un mari qui refuse de l’argent à sa femme pour aller au bain deux fois la semaine, est exposé à la séparation ; car si la femme renverse sa pantoufle en présence du Juge, c’est une marque que le mari a voulu la contraindre à lui accorder des choses deffenduës. Le Juge envoye chercher pour lors le mari, le fait bâtonner et casse le ma-