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Page:Tousseul - Aux hommes de bonne volonté, 1921.djvu/12

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et vide. Les riches, terrifiés par les explosions et les incendies qui déchiraient le silence et l’ombre, les virent s’en aller vers le Nord et l’Étoile et dirent : « C’est la fin du monde. »

Pendant quelques jours, les abandonnés essayèrent de se mettre au travail. Mais on ne comptait plus les trains culbutés dans les ravins, les charbonnages envahis par les eaux, les fours écroulés, les usines incendiées, les cadavres broyés, les mutilés, les malades. Les gens, après avoir troqué leurs vêtements contre des vivres, s’en allaient à demi nus et s’abattaient de faim dans les rues. Les vols étaient innombrables et les femmes se donnaient pour un pain.

Les pèlerins étaient loin. L’Inconnu leur était apparu un matin et, depuis lors, il les conduisait. Ils traversèrent des villes et des campagnes. Des travailleurs étrangers les rejoignaient en cours de route et ils arrivèrent ainsi dans une immense plaine du Nord. Il était venu des forçats de tous les coins du continent. Il y avait là de malheureux allumettiers édentés — des femmes surtout — rongés par la nécrose ; des hystériques sortant des fabriques de soie artificielle ; il y avait des mineurs de Wilieckza, aux vêtements imprégnés de sel ; des mineurs siciliens anémiés par le soufre ; de pâles pêcheurs d’éponges qui avaient vomi leur sang dans les mers du Sud ; des Roumains qui sentaient le pétrole ; d’autres montraient leurs membres rongés par des eczémas et ne savaient expliquer ce qu’ils faisaient dans les petites villes ignorées des montagnes.

Un soir, l’Inconnu leur dit : « Mes Frères, je ne suis ni Christ, ni Jaurès, ni Liebknecht : ils sont morts assassinés. Que vous importe mon nom ? Je ne suis qu’une Idée : la Foi. Vous avez eu foi et vous avez vaincu. La Terre promise n’existe pas ailleurs que chez vous et vous l’avez conquise en la quittant. Les riches que vous avez laissés derrière vous,