Page:Tousseul - Aux hommes de bonne volonté, 1921.djvu/30

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jeunes vies — bras et cerveaux, — qu’il a détruit le pain et arrêté les machines qui le donnaient. L’Europe agonise.

Lorsque les littérateurs ou les philosophes s’occupent d’internationalisme — de morale universelle, — les monarques et les hommes politiques — qui monopolisent le droit de vie ou de mort sur des millions d’individus — traitent ces écrivains d’idéologues et de prophètes de malheur. Les chrétiens d’Europe se seraient disputé Jésus — si Jésus avait vécu de nos jours — pour le clouer au gibet sur une montagne très élevée, d’où il aurait pu contempler, entre ses paupières cireuses, l’agonie des peuples affolés.

Eh bien, oui ! le vieux monde occidental dépérit comme l’avait prédit Rabindranath Tagore. Des luttes fratricides ensanglantent encore la Russie et la Hongrie, ce pendant que le reste du continent invalide s’est ressaisi, panse ses plaies et dresse le bilan de ses deuils. Vide de jeune sang, de jeunes cerveaux, il constate avec horreur qu’il est voué à l’anémie et à la mort.

L’Europe n’a plus d’argent — il est allé ailleurs — et voit cet argent fructifier, à ses dépens, dans les mains des Américains et des Japonais, les maîtres du monde de demain. Pendant qu’on se battait ici, les deux puissances lointaines ont accru leur production agricole et industrielle pour faire face à leurs propres besoins et aux besoins de l’Europe exportatrice de 1914. Devenues nos créditrices, elles sollicitent notre main-d’œuvre ou nos ingénieurs ; elles nous exploitent dans la vente des machines et des matières premières que nous leur livrions hier et qui nous aideront à leur payer nos dettes. Il est possible que ce soit là leur seul souci. Elles font de cette exploitation « une croisade nationale. »