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Méditations

J’ai vécu ces jours-ci près de la terre, dans la plaine immense, et j’en reviens plus humble et meilleur. J’ai senti une fois encore ma petitesse et je me suis surpris à joindre les mains non pas devant un Dieu, mais devant la grandeur dans laquelle je vivais.

Je me souviens surtout de ce soir où le ciel ressemblait à une mer, dans laquelle la terre se serait échouée. N’est-elle pas, du reste, une épave de la vie vertigineuse des astres ? Ne sommes-nous pas les champignons d’une planète agonisante ? La vraie vie n’est-elle pas le feu ? Nous nous accrochons à notre épave. Nous nous rendons compte de notre agonie et nous ne voulons point mourir…

Là-haut, le soleil est une grosse boule rose. Des gaz rouges flottent et tournent à l’intérieur de cette boule. L’horizon, perdu dans les lointains clairs de la journée, s’est dessiné : une meule, un clocher, un bouquet d’arbres, un toit, un bois tout bleu, un clocher, le manche d’une charrue, un clocher, une cheminée, un chardon, un clocher, des drèves qui ressemblent à des ponts en dos-d’âne, un clocher, aussi petits, aussi grands l’un que l’autre. On confond un homme immobile avec une plante. Un insecte isolé qui vole nous évoque une de ces machines modernes qui auraient pu