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Les Morts

À Édouard FRITZ

Soir de Toussaint. Toute la journée, les gens ont cheminé vers les hauteurs funèbres de la ville, emportant des brassées de fleurs d’automne. À cette heure, le froid et l’ombre ont chassé les vivants des cimetières : les morts resteront seuls, un an au long, dans leur prison de terre. Je ne suis pas sorti : j’ai voulu vivre avec moi-même, comme je le faisais chaque soir chez nous, avant que la ville m’emportât dans son tourbillon et m’empêchât de penser. Des tramways passent, promenant leurs vitres lumineuses, leur numéro qui parfois s’éteint, leur rose rouge ou verte, leurs flammes bleues. Le vent anime ma fenêtre ouverte. Je n’ai pas entendu les cloches…

Où suis-je ? Mon pays à moi est bien loin, dans les rochers d’où vient la Meuse. Les souvenirs m’assaillent, les