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TRAITÉ DE VERSAILLES (1919)

passer dans l’acte les parties d’idéalisme si promptes à s’offrir, si lentes à s’installer dans la réalité vécue. (Longs applaudissements.)

« N’est-ce pas tout le programme de la République, depuis le jour où elle apparut sanglante, dans les premières heures de l’embrasement révolutionnaire ? N’est-ce pas le programme de la France elle-même qui se trouve ainsi tracé ? Pour que notre victoire de la guerre soit notre victoire de la paix, au moins savons-nous déjà quelles victoires sur nous-mêmes nous devons préalablement remporter.

« À Bordeaux, à Versailles, en 1871, j’eus la douleur d’apporter le témoignage de mes yeux et de mon cœur brisé à l’atroce déchirement dont la cicatrice ne fut jamais fermée. (Applaudissements prolongés.) Revanche militaire et revanche morale devaient alors se conjuguer. La première est venue. Dans la défaite même, nous avons commencé l’autre. Dans la victoire, nous voulons l’achever.

« Assez et trop longtemps, nous avons pu disperser nos forces en des conflits politiques et sociaux, fatalité de tous les peuples et de tous les temps, mais qui, même féconds, se traduisent, au compte final, en pertes d’énergie. C’est la commune histoire des hommes. Aucune grande conquête qui n’ait coûté des tumultes d’efforts. L’aboutissement, c’est la victoire au sens le plus noble du mot, la victoire du fait en même temps que de l’idée, la victoire non des personnes, mais de la France, de la République elle-même, la victoire de tous nos parlements qui se sont succédé dans la commune volonté de refaire la France pour la mettre à sa juste place dans le monde, la victoire de tous nos gouvernements qui, depuis le démembrement de la patrie, se sont transmis le périlleux honneur d’affronter le dilemme du sphinx allemand : la victoire ou la mort. Nous avons choisi. L’énigme est résolue. (Applaudissements prolongés.)


L’expérience de la liberté.


« L’homme qui avait organisé, dès le lendemain de 1871, la grande ruée finale de la sauvagerie pour l’universelle servitude avait cru pouvoir stupidement se vanter de tolérer, — que dis-je ? — d’encourager notre République renaissante comme une organisation de faiblesse, de discorde, de dissolution nationale. C’est tout ce qu’il avait compris de la liberté. (Applaudissements.)

« Eh bien, l’expérience qu’il a voulue a pu se développer librement pendant un demi-siècle. Son peuple, qu’il enchaî-