Page:Tremblay - La sépulture d'Étienne Brulé, 1915.djvu/19

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Brulé a été exécuté par des Toanchains sur décision d’un Conseil pour crime d’ordre public, ayant par sa présence en Huronie, après sa trahison manifeste, mis en danger les bonnes relations entre Français et Hurons, principalement ceux de l’Ours, et nui à l’alliance agréée par les deux peuples. Aénons présidait au Conseil.

L’exécution faite, le festin anthropophagique fini, les ossements épargnés furent enterrés près du village, dans les bois.


LA SÉPULTURE HURONNE.


En rompant leur village, les Toanchais fuyaient non seulement la scène de leur crime, mais surtout l’endroit où reposait l’atisken, âme des os de la victime (Rel., x, 140). Le meurtre n’était rien en lui-même dans l’opinion des coupables, mais la vengeance des mânes était probable, et les familles cabanées près de la fosse s’y trouveraient plus exposées. La peur des morts amena les Sauvages à établir leurs cimetières, temporaires ou permanents, en dehors des bourgades. Ils ignoraient absolument l’hygiène, et les théoriciens du retour à la nature ont tort de prétendre le contraire. Les cimetières étaient à une portée d’arquebuse des habitations, au temps de Sagard (Hist., III, 643), et une portée de mousquet au temps des Jésuites (Rel., x, Fête des Morts). Ces indications fixent à deux cent cinquante mètres environ l’éloignement des fosses par rapport aux cabanes. Gustave Voulquin donne une portée de deux cents mètres aux arquebuses et mousquets des débuts du xviie siècle.

Les atisken allaient au Pays-du-Soleil-Couchant. On enterrait les morts de façon que la tête fût tournée vers l’occident ; l’âme voyait ainsi l’endroit où elle devait se rendre (Rel., xvi, 206). L’itinéraire atiskenien ne devait pas cependant traverser le village. En conséquence, les sépultures ne se faisaient jamais à l’est immédiat des habitations, car l’âme des os pouvait porter malheur aux cabanes qui lui fermaient passage vers l’Ouest. On ne sortait jamais un cadavre par la porte d’une habitation, mais par une ouverture pratiquée dans la cloison d’écorce à cette fin, tant le commerce des vivants et des défunts était influencé par la terreur, tant les chemins des corps et des âmes devaient différer.

Si la dispersion des Toanchains après le meurtre pouvait nous faire supposer que Brulé avait été enterré près du village, nous apprenons formellement l’existence de sa sépulture dans la Relation de 1636. Le P. de Brébeuf dit que l’Ours s’était réuni pour discuter la Fête des Morts, la plus sacrée des solennités régionales. Il s’agissait d’établir une fosse commune pour tous les morts de la tribu, mais quelques mutins de la Pointe n’y consentaient pas, disant qu’on avait