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PIERRE QUI ROULE

expliquerait, mieux que je ne puis le faire, les impressions diverses par lesquelles je suis passé avant de me convaincre que la première condition à exiger d’un candidat devrait être, pour nos nationaux, la promesse formelle de défendre la nationalité franco-canadienne envers et contre tous.

« Les hommes politiques d’alors m’inspiraient peu de confiance. Après vingt ans, ceux d’aujourd’hui sont dans le même cas. J’en avais déjà trop vu. J’ai assisté à Sherbrooke à trois ou quatre célébrations de la Saint-Jean-Baptiste. J’y ai même péroré deux ou trois fois, mais chaque fois je suis revenu le cœur gros, me demandant si de semblables manifestations n’avaient pas pour effet de nous enfoncer encore davantage dans l’ornière de l’anglicisation.

« C’est à peine croyable, pour des Canadiens des États-Unis, Mais c’est malheureusement trop vrai que la principale préoccupation des organisateurs de ces démonstrations était de faire plaisir aux Anglais. J’ai vu une soirée de Saint-Jean-Baptiste consacrée entièrement à entendre quatre discours dont trois en anglais. Le président avait bien voulu condescendre à parler français au millier de compatriotes auxquels il avait, de propos délibéré, imposé trois orateurs anglais renommés par leur fanatisme francophobe.

« L’idée dominante semblait avoir été de rassembler les Canadiens-français pour leur faire constituer une petite cour autour des chefs de leurs ennemis, comme s’ils eussent voulu demander grâce à ces derniers. Une autre année, la démonstration avait eu lieu au Patinoir, M. Chapleau y était. Il y prononça un discours en anglais qui fut très goûté des Canadiens, heureux, d’exhiber une de leurs célébrités en l’exposant à la critique des éléments hostiles à notre race.

« Vers cette époque je me mis en tête d’écrire une pièce de vers ayant pour titre l’Anglomanie.