Depuis deux siècles, la race française avait réussi, au prix des efforts les plus généreux, à se maintenir intacte dans la vallée du St-Laurent. La lutte constante contre la rigueur du climat, contre les Iroquois, contre l’Angleterre et ses colonies avait fortement trempé, physiquement et moralement, les générations qui s’étaient succédé. Le sang des hardis marins, soldats et découvreurs s’était conservé pur de tout alliage. Les traditions françaises et catholiques se perpétuaient.
Le code de l’honneur et le sens moral constituaient une loi non écrite mais universellement respectée. On était « franc comme l’épée du roi. » La vie aventurière exerçait encore un irrésistible attrait sur ces descendants de soldats-défricheurs, mais leurs mœurs familiales étaient si douces que l’on eût difficilement reconnu chez le paisible « habitant » le rude batailleur dont la jeunesse s’était écoulée au milieu des dangers et des combats à outrance.
Le sentiment religieux et l’influence féminine avaient facilement oblitéré la brutalité de langage et de manières acquise au cours de la vie guerrière ou nomade. Dans chaque famille, la prière du soir se faisait en commun. Les exercices religieux du carême, les retraites, etc., étaient régulièrement suivis. Le père de famille ne manquait jamais de tracer, avec son couteau, une croix sur la miche de pain avant d’en distribuer une tranche à chacun des convives. Nul ne prenait son repas avant de dire son benedicite ; nul ne terminait son repas sans réciter ses grâces. Ces pieuses pratiques se perpétuent encore dans nos campagnes. Malheureusement, elles tombent en désuétude dans les villes, où l’évolution des us et coutumes n’est pas à notre avantage. En général, les Canadiens étaient d’excellents catholiques, mais tous n’étaient pas des saints.