LES LOUPS-GAROUS
Il n’y a pas de règle sans exception et, de nos jours encore, j’en connais qui ne semblent pas se conduire comme s’ils espéraient être ultérieurement béatifiés. Les histoires de chasse-gallery qui datent de ce temps reculé nous prouvent que tout le monde ne suivait pas la voie droite.
Il y avait des loups-garous, très peu, mais assez pour défrayer les conversations. Passer sept ans sans aller à confesse, c’était s’exposer au sort de Nabuchodonosor. Celui qui courait le loup-garou, était mal vu. On ne songeait pas le moins du monde à en faire un député ou un ministre. Il est vrai qu’on n’avait alors ni députés ni ministres et qu’on ne s’en portait pas plus mal.
Courir le loup-garou, c’était être changé en bête pour ses méfaits. Il y avait même des loups-garous que leur métamorphose ne changeait pas beaucoup.
J’ai connu jadis un mendiant nanti d’un sobriquet qu’il devait à son invariable et onctueux boniment. On le surnommait « La sainte charité. » Il s’était livré assez jeune à l’exercice de sa noble profession ; mais il n’était jamais retourné dans la région où il avait fait ses débuts. Voici pourquoi :
Il se trouvait un beau soir dans une auberge où quelques buveurs étaient réunis, lorsque survint un individu grand, fort et bête, accompagné d’une vache qu’il attacha dans la remise avant d’entrer se désaltérer. Pendant qu’il était occupé à se rincer la dalle, les autres complotaient pour lui jouer un tour. Moyennant finances, ils s’entendirent avec le mendiant pour que celui-ci personnifiât la bête bovine.
— C’est entendu, lui dirent-ils. Nous, allons vous attacher à la place de la vache. Vous prétendrez avoir couru le loup-garou et avoir été délivré par lui.