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PIERRE QUI ROULE

de vivres. C’est égal : ils n’ont toujours pas pris le docteur Nelson et l’honneur est sauf. »

Au fond, c’était bien là tout ce qu’ils avaient espéré, sinon tout ce que certains d’entre eux auraient souhaité comme résultat de la prise d’armes. Exaspérés par la longue série d’illégalités commises par les adhérents de l’oligarchie, il est certain que les patriotes désiraient l’indépendance du Canada ; mais bon nombre d’entre eux ne se faisaient guère d’illusions sur la possibilité de se débarrasser de la tutelle britannique si maladroitement représentée par la clique des francophobes.

Pour avoir osé entreprendre une lutte constitutionnelle en faveur des droits du peuple, les chefs du mouvement démocratique étaient accusés de sédition par une bande d’énergumènes qui n’avaient jamais hésité à troubler la paix publique chaque fois qu’ils s’étaient crus les plus forts.

On s’était bien gardé de sévir contre les membres du Doric Club qui, les premiers, sans la moindre provocation, avaient eu recours à la violence ; mais, du moment que les chefs des patriotes avaient l’audace de suggérer des moyens constitutionnels d’obtenir les libertés dont les francophobes jouissent et dont ils abusent maintenant, libertés que nous devons à l’insurrection, il fallait s’emparer de ces chefs et les mettre à mort pour leur apprendre à vivre. Les combattants de Saint-Denis ne l’entendaient pas de cette oreille-là, et ils venaient de prouver aux suppôts de la tyrannie qu’ils n’étaient pas de leur bord.

Hélas ! cette victoire du droit fut suivie de bien tristes lendemains. Peu de temps après, les patriotes étaient écrasés à Saint-Charles, où ils succombaient en héros, comme devaient succomber les héroïques compagnons du brave Chénier.