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PIERRE QUI ROULE

a conquises en dépit de leurs menaces et de leurs voies de faits. Il paraît que, seul, l’insurgé canadien-français a toujours tort. On peut brûler les édifices du Parlement à Montréal, jeter des pierres et des œufs pourris au gouverneur-général, assassiner ses adversaires comme en Irlande ou ailleurs. Ce sont là des actes méritoires ; mais résister par les armes à ceux qui viennent illégalement s’emparer de citoyens dévoués à l’intérêt public, c’est là un crime irrémissible, et il ne fallait pas laisser soupçonner aux élèves que des Canadiens avaient pu s’en rendre coupables.

Ils avaient peut-être tort ceux qui croyaient que le recours aux armes pouvait avoir pour résultat la rupture du lien colonial ; le mouvement était trop restreint pour justifier un tel espoir. Cependant, la plupart des patriotes n’entrevoyaient que la possibilité de se soustraire à la tyrannie des bureaucrates. Du reste, comme le dit si bien Benjamin Sulte dans son Histoire des Canadiens-Français : « Les plus belles pages de notre histoire sont celles où nous avons résisté contre plus forts que nous. »

Depuis la cession, nos annales peuvent se résumer comme suit : agitation constante, dirigée contre nous, en faveur de la persécution ; agitation intermittente, de notre part, pour la défense des opprimés. On nous attribue tous les torts, tous les défauts, tous les vices et toutes les vilenies. « Gardez-vous bien de contredire vos accusateurs, nous dit-on. Vous allez les mécontenter et ils vont vous dévorer à la croque au sel ». Comme s’il n’étaient pas déjà suffisamment mécontents pour nous dévorer s’ils le pouvaient.

Non. Le meilleur service que nous puissions leur rendre, dans leur intérêt comme dans l’intérêt de tout le monde, c’est de leur révéler la vérité. Elle leur est systématiquement dissimulée par des gens qui seront bien à plaindre le jour où notre disparition