Alors, sans le consulter le moins du monde, on l’amena à Sainte-Victoire, où il donna pendant quelque temps l’exemple de toutes les vertus de son âge. Il avait bien trois ans lorsque ses parents l’amenèrent à Saint-Denis. De ce premier séjour à Sainte-Victoire, il se rappelait fort peu de choses. À travers les bitumes de sa mémoire enfantine ; il revoyait la doublure rouge de la casquette de Timothée, l’apprenti ; mais il ne pouvait arriver à ressaisir la figure de ce personnage si criardement coiffé.
Son père, qui chantait toujours comme un savetier à qui nul financier n’avait jamais songé à faire le moindre cadeau d’argent, lui avait appris toutes sortes de chants, surtout des chants religieux.
PRÉCOCITÉ DE QUÉQUIENNE
À l’âge où il se traînait encore sur le plancher, à l’âge où il chatonnait, comme on dit élégamment dans la région située à trois semaines en bas de Québec, Quéquienne chantait d’une voix forte, sans se faire prier, et sur un air composé par un grand musicien qu’il ne connaissait pas du tout : Calicem salutaris accipiam et nomen Domini invocabo.
Il se souvenait en outre que son grand-père maternel, qui était son parrain, lui avait donné une pièce de trois chelins, lorsqu’il était venu à Sainte-Victoire avant son départ pour la Californie, en 1849. Hors de là, ses souvenirs étaient très vagues, et il n’avait emporté du Pot-au-beurre (nom préhistorique de Sainte-Victoire) que des notions fort embrouillées.
À Saint-Denis, son père avait pris la charge du bateau passeur entre ce village et Saint-Antoine. Quéquienne éprouvait un vif plaisir chaque fois que Quénoche consentait à l’amener avec lui sur les flots du