Alors, comme aujourd’hui, la croissance de la race faisait éclater ses langes. Il est facile de dire aux gens : « Restez chez vous. Faites-vous cultivateurs. » Mais le père a eu assez de peine à faire vivre sa famille sur la terre qu’il occupe. Il lui est impossible de donner une ferme à chacun de ses fils. Ses voisins sont dans le même cas, et il n’y a pas de ferme disponible dans la paroisse. On aura beau déplorer le dépeuplement de la campagne au profit des villes, tout cela ne donne pas au jeune campagnard l’argent qui lui serait nécessaire pour s’établir, ou même pour se livrer à la rude tâche qui consiste à défricher des terres nouvelles, parfois très éloignées de sa paroisse natale. Quoi qu’il arrive, il faut qu’il parte. Le frère aîné hérite ordinairement de la terre paternelle, à la condition de payer certaines redevances aux parents. Les autres émigrent ou vont se fixer dans nos villes ou nos villages.
Petit-Père avait été chantre ; trois ou quatre de ses fils le furent après lui. Leur mère était douée de l’un de ces timbres de voix qui produisent les Albani. Leurs talents naturels furent cultivés sous l’habile direction du curé Manseau. Tatite devint forgeron et maître-chantre de la paroisse. Quénoche dut s’éloigner afin d’aller cumuler ailleurs les fonctions de maître-chantre et de cordonnier. Il se maria, habita Montréal durant quelque temps puis, alla à Saint-Barnabé où sa femme avait des parents. C’est dans ces parages que survint Quéquienne, le quatrième de la dynastie des Quénoche, celui qui était destiné à fournir le sujet de cette véridique histoire. Le lendemain de son arrivée en ce bas, monde, il fut baptisé à Saint-Jude, qui, n’était pas sa paroisse natale. Après cette cérémonie, il retourna à Chibouette où il vécut plus ou moins patiemment jusqu’à l’âge de dix-huit mois.