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Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/65

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PIERRE QUI ROULE

mes ou 60 paires de chaussures d’enfants. Les hommes gagnaient ainsi de bons salaires tant que le travail durait ; mais il y avait du chômage.

À L’ÉCOLE PUBLIQUE

La manufacture de coton où ils étaient employés ayant fermé ses portes, les deux jeunes Quénoche furent envoyés à l’école américaine. Quéquienne expliqua à l’institutrice que son frère et lui savaient lire et écrire, ce qu’elle fut bien forcée d’admettre lorsqu’ils lui écrivirent leurs noms d’une façon très lisible.

Très étonnée d’apprendre qu’il y avait des écoles au Canada, l’aimable jouvencelle entreprit de lire à haute et intelligible voix les noms de ses deux nouveaux élèves. Elle n’y parvint pas : absorbées par ses jolis yeux, répétées dans la matière grise de sa boîte crânienne et triturées dans l’engrenage de ses dents, les syllabes exotiques constituant ces deux noms pourtant bien simples sortaient de sa bouche mutilées au point de n’être plus reconnaissables.

Crut-elle y reconnaître quelque mystérieuse incantation magique ? Ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle ne voulut pas admettre que l’on put porter dans son école des noms aussi insolites. Elle décréta donc, séance tenante, que leur nom de famille serait Beltram, que le petit nom de Quéquienne serait Charlie, et que l’autre, qui se nommait Denis, serait à l’avenir connu sous le nom de Daniel. Ces noms ne ressemblaient en rien à leurs noms français ; mais ils étaient plus commodes pour l’institutrice. On a beaucoup reproché aux Canadiens émigrés d’avoir changé leurs noms. Or il est arrivé très souvent que ces transformations ont été faites sans les consulter et parfois malgré eux.