Aller au contenu

Page:Tremblay - Pierre qui roule, 1923.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
PIERRE QUI ROULE

ta une forte lanière de cuir épais dont il avait coutume de se servir dans des circonstances analogues. Quéquienne, peu désireux de se prêter à la touchante cérémonie qui se préparait aux dépens de son échine, enfila l’escalier au moment où le bout de la lanière l’atteignait à l’épaule. Il y eut explication orageuse, Quenoche ne reconnaissant à personne le droit de battre ses enfants, et la famille quitta Social pour aller demeurer à la Hamlet.

Cette année-là, les Canadiens du quartier de Social se réunissaient chez le père Quenoche pour y suivre les exercices du mois de Marie. On avait aménagé une petite chapelle où, le soir, les prières alternaient avec les cantiques chantés par la famille Quénoche et par de jolies Canadiennes dont les voix harmonieuses avaient le don d’émouvoir tous les assistants, heureux d’évoquer le souvenir de leur pays natal.

Quéquienne, précocement inflammable, reçut là l’un des nombreux coups de foudre dont son cœur sensible devait être périodiquement canardé au cours de son existence aventureuse. Il s’éprit d’une jeune fillette assez accorte, qu’il regardait et qui le regardait entre deux cantiques. Naturellement, il ne lui dit rien ; elle aussi, garda de concert le silence prudent. Mais l’hiver suivant, grâce à la connivence de l’une de ses tantes, il lui adressa un Valentin tout fleuri, tout dentelé, avec des dorures et deux cœurs transpercés par une flèche, le tout renfermant une déclaration tellement brûlante qu’elle dut mettre le feu au papier et se consumer en transit, car il ne reçut jamais de réponse.

NOS COMPATRIOTES IMMIGRÉS

Nos campagnards, qui formaient la presque totalité des immigrants canadiens, conservaient aux États-