fièrement l’uniforme et toujours prêt à s’offrir lorsqu’on demandait des volontaires pour quelque poste dangereux, il était estimé de ses chefs et favorablement apprécié par ses camarades, qu’il amusait en leur chantant des chansons de genre et en imitant à merveille les accents irlandais, nègres ou allemands.
Il savait que, dans le milieu où il se trouvait, le moyen de se faire respecter n’était pas de faire le chien couchant, et il se serait fait hacher plutôt que de permettre qu’on l’insultât de propos délibéré. On savait cela, et il eut trouvé au besoin, de robustes défenseurs prêts à prendre son parti. Il n’y avait pas là d’animosité contre les Canadiens-français. On n’en connaissait qu’un seul, qu’on appelait Frenchy, qui se nommait Quéquienne Quénoche et qui n’avait qu’à se louer de la manière dont il était traité au régiment.
Les fatigues, les misères et les périls de la campagne l’intéressaient au lieu de le décourager, et ses velléités de départ pour l’armée française ne le reprenaient que pendant les périodes d’accalmie, alors qu’on faisait courir le bruit du prochain retour du régiment au service de garnison.
UN FUGUEUR
Quéquienne était fugueur sans le savoir. Le mot n’existait pas encore, l’Académie ne l’a probablement pas encore admis, mais la chose existait. Un fugueur, d’après la définition donnée par je ne me rappelle plus quel écrivain français, est un individu qui s’en va, sans savoir où et sans savoir pourquoi, juste au moment où ni lui-même ni personne autre ne s’attend à son départ. Ces crises ambulantes lui avaient déjà joué plus d’un mauvais tour. Elles devaient lui en jouer encore plusieurs autres et son départ du régiment ne fut pas son dernier coup de tête.