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Page:Trent - Litterature americaine.djvu/226

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218 LA PÉniODE LOCALE (1830-1865)

son habileté à analyser posément et bien h fond les défauts et les faiblesses de son époque et de son pays, son patriotisme, son amour du terroir, son vif sentiment de la nature et de tous les éléments de l’humanité — tout cela et bien d’autres choses, nous avons dû le laisser dans l’ombre, n’ayant pas le loisir d’y insister comme il faudrait. Or si l’homme et sa carrière ont été si pauvrement analysés, que dire en moins de lignes encore du philosophe, du poète, du moraliste, du prophète — bref, de l’écrivain que ses fervents admirateurs n’hésitent pas à placer en tète de tous les hommes de lettres américains ?


Emerson fut-il, h proprement parler, un philosophe ? Sa Natural History of Intellect, où il essaya de raisonner méthodiquement au lieu de s’en tenir à commenter pour ses lecteurs ou auditeurs quelques-unes de ses propres intuitions, diffère-t-elle beaucoup d’aucune des conférences décousues qu’il donnait en s’aidant des notes de son portefeuille. Il est vrai qu’il se vantait de son manque de méthode, ce que les émersoniens obstinés prétendent considérer comme une sorte de système. Il pensait que les poètes enseigneraient un jour la philosophie, et il fit de son mieux pour hâter la venue de ce jour. Mais son idéalisme, en partie stimulé par les découvertes scientifiques de son temps, ne répond pas à l’état d’esprit pratique et positif accru par ces découvertes ; il était trop immatériel et trop froid pour satisfaire des âmes comme celles qui s’étaient soulevées contre la domination du concept matériel de l’univers. Comme les Unitaires auxquels il se substitua, lui-même a été abandonné pour des initiateurs plus trauscendantaux. Dans le sens où Marc Aurèle peut être appelé un philosophe, Emerson en lut un probablement ; mais il est préférable de les