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serve les siens par l’accoutumance. La Rochef.

ACCOÛTUMER. verb. act. & neut. Pratiquer souvent une même chose ; contracter une habitude par la fréquente réitération du même acte. Assuefacere. On s’accoûtume à tout, au travail, à la peine, aux douleurs. Il ne faut pas accoûtumer les Peuples à prendre les armes, & à murmurer. On accoûtume les bœufs au joug. Les enfans qu’on accoûtume à être applaudis, conservent l’habitude de juger avec précipitation. Fenel. Le Peuple est accoûtumé à la servitude. C’étoit la coûtume des Sénateurs de mener leurs enfans au Sénat, pour les former de bonne heure aux affaires, & les accoûtumer au secret. Bouh. Il faut accoûtumer les enfans à faire le bien, plutôt par leur propre inclination, que par la crainte. Port-R. Nous sommes si accoûtumés à nous déguiser aux autres, qu’enfin nous nous déguisons à nous-mêmes. La Rochef. L’étude de la critique accoûtume l’esprit à chicaner. St. Evr. Il ne faut pas s’accoûtumer à la fainéantise. Il ne faut pas accoûtumer son ventre aux purgations, de peur que la nature ne se rende paresseuse.

Au plaisir de vous voir mon ame accoûtumée
Ne vit plus que pour vous.

Quand le verbe accoûtumer est joint au verbe auxiliaire avoir, il demande que la particule de précède l’infinitif qui le suit : J’ai accoûtumé de faire, &c. Quand il est avec être il demande la particule à : Je suis accoûtumé à souffrir. Mais accoûtumer seul gouverne toujours à : Je m’accoûtume à prendre les choses sans m’affliger : Accoûtumez-vous à hair le vice. Corn. Il faut modérer la légèreté de sa langue, pour l’accoûtumer à ne se point précipiter dans les choses obscures & douteuses. Port-R. On dit que Démosthène déclamoit au bord de la mer pour s’accoûtumer au bruit du Peuple. Mes malheurs m’ont accoûtumé à envisager la mort sans crainte. P. de Ce. Il faut s’accoûtumer aux outrages de la fortune.

Accoûtumer, se dit aussi des choses inanimées. Solere. Il n’a pas accoûtumé de faire si chaud en ce mois-ci. Il y a des terres qui ont accoûtumé de rapporter deux fois l’an.

Accoûtumer, se dit aussi des choses qui sont tellement tournées en nature, qu’encore qu’elles soient incommodes aux autres, elles nous deviennent en quelque façon nécessaires. Les Lapons sont tellement accoûtumés au froid, que quand ils sont arrivés à Hambourg, ils s’en retournent, à cause qu’ils trouvent qu’il y fait trop chaud. Les Indiens s’en retournent quand ils sont arrivés au 30. degré, parce qu’ils y ont trop froid. Relations des Lapons & des Indes.

On dit proverbialement, qu’un homme est accoûtumé à une certaine chose, comme un chien d’aller nud tête ; comme un chien d’aller à pied.

Accoûtumé, ée, part. & adj. Assuefactus, Assuetus.

Accoûtumé, ée, signifie quelquefois, Ordinaire, ce qu’on a coûtume de faire. Solitus. On a tenu l’audience aux jours & aux heures accoûtumées. On lui a fait son procès en la forme & manière accoûtumées.

A l’accoûtumée, adv. De la manière qu’on avoit accoûtumé. Ut solet, de more. On a raccommodé ensemble ces amis qui étoient brouillés : ils vivent maintenant à l’accoûtumée. Ce mot n’est en usage que dans la conversation commune.

☞ ACCOUVER, v. n. Les poules & les canes s’accouvent, quand elles commencent à couver leurs œufs.

Accouvé, ée. part. & adj. Qui se tient au coin de son feu en fainéant, en paresseux, sans vouloir en sortir pour travailler. Alsiosus, iners. Cet artisan passe tout l’hyver accouvé au coin de son feu. Il est bas & vieux. Ce mot vient de incubitare. Nicod.

ACCRAVANTER. v. act. Ecraser, accabler sous un poids excessif. Onere obruere, mole opprimere. Si vous lui faites porter ce fardeau, c’est le moyen de l’accravanter. Cet homme a été accravanté sous les ruines de sa maison. Ce mot est vieux, & vient du latin aggravare. ☞ Autrefois on disoit même en François Aggravanter, & c’est de-là que s’est formé accravanter, en changeant g en c.

Afin que ce fardeau, qui tout autre accravante,
Les rende plus légers, comme elle est plus sçavante.

{{Alinéa|P. Pierre de S. Louis.


Accravanté, ée. part. C’est ce que nous disons Aggravé. Courbé & accablé de fatigue. Cl. Marot. Ce Poëte dit dans son Cantique à la Déesse Santé :

Soit à ton loz mon Cantique chanté,
Car par toy est laise doux enfanté,
Par toy la vie en corps accravanté
Est restaurée.

ACCRÉDITER. v. a. Donner du crédit & de l’autorité ; mettre en réputation & en estime dans le public. Commendare, auctoritatem dare. Il n’y a rien qui accrédite davantage une personne que la bonne foi. Un chef de parti est obligé à caresser un scélérat, qui s’est accrédité parmi le peuple. M. Esp. Est-ce un prodige qu’un sot riche & accrédité ? La Bruy. Il se joint souvent avec le pronom relatif. Ce Président s’est accrédité dans sa Compagnie par sa capacité & par son intégrité. Ce ministre s’est fort accrédité à la Cour par son zèle & par sa prudence. Les marchands s’accréditent en vendant fidélement.

Il se dit aussi figur. Accréditer la calomnie. Accréditer le mérite. Ce mot vient d’accreditus, qui a été fait d’accredere, dont on s’est servi dans la basse Latinité, pour signifier, Prêter. Du Cange.

Accrédité, ée. part. pass. & adj. Auctoricate pollens.

ACCRÉTION. s. f. Terme de Médecine dans M. Harris. Ce mot est Latin, accretio, Augmentation, accroissement. Et dans le sens que l’explique M. Harris, nous disons en François excresience. Voyez ce mot.

Accrétion, dans le même sens d’accroissement, est aussi un terme de coûtume:on le trouve dans le titre de l’art. 282. de la coutume de Normandie, & dans le Commentaire aussi.

ACCROC. s. m. Déchirure d’un habit, rupture qui se fait quand on est arrêté par quelque chose de crochu, & de pointu. Scissura. Il est difficile de passer à travers des ronces & des haies, sans qu’on se fasse quelqu’accroc. Il se dit aussi de ce qui accroche, de ce qui déchire. J’ai rencontré un accroc qui a déchiré mon habit.

Accroc, se dit figurément en choses morales de ce qui arrête, de ce qui retarde une affaire. Mora, impedimentum. La mort d’une des parties est un accroc qui empêche l’instruction de ce procès. L’accusation qu’on a faite contre cet homme, est un fâcheux accroc qui peut ruiner sa fortune. Il est bas dans ce sens.

ACCROCHE. s. f. Embarras, retardement qui arrive en quelque affaire, à cause de quelque difficulté qui survient. Impedimentum, mora. Les oppositions à ce décret sont des accroches qui retarderont long-temps notre payement.

ACCROCHEMENT. s. m. Action d’accrocher. Unci immissio. Il n’est guère en usage au propre. Quelques-uns s’en servent au figuré. Il y a des gens qui se font descendre des plus nobles familles sur des ressemblances de noms, ou par d’autres accrochemens visionnaires. Cail.

ACCROCHER. v. a. Attacher quelque chose à un crochet, à une cheville, à un clou, à une agraffe. Unco suspendere. Il faut accrocher ce sac à sa cheville. Accrocher sa montre à sa ceinture. Accrocher un tableau. Ce mot vient du Grec ἀκροχεῖρ qui signifie le bout de la main, parce qu’il sert à accrocher.

Accrocher, signifie aussi attacher à quelque chose de ferme. Unco astringere. Accrochez ce bateau avec sa chaîne à l’anneau de ce pont. Avec le pronom personnel il signifie se prendre à quelque chose. Nos braves s’accrochant se prennent aux cheveux. Boil. On dit qu’un homme qui se noie, s’accroche à tout.

Accrocher, en termes de Marine, signifie, arrêter un navire, le joindre, ou s’y attacher en jetant le grapin pour venir à l’abordage. Harpagonem in navim injicere, harpagare. Ces deux navires étoient accrochés, il y eut entr’eux un rude combat.

Accrocher, se dit figurément en choses morales, & dans le style commun. Il a trouvé moyen d’accrocher son affaire au Conseil, en l’y faisant retenir pour la juger. Ce procès étoit prêt à juger ; la partie l’a accroché par une chicane; c’est-à-dire, qu’elle y a apporté du retardement par quelque incident. Liti moram injicere. Ce prisonnier alloit sortir, mais il a été accroché par une nouvelle recomman-


dation,