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tres : ils sont vers le milieu de la patte. Il y en a d’autres plus petits vers la racine & vers l’extrémité de la patte. L’article du milieu des deux pattes de derrière est beaucoup plus large que les autres, & il a du côté extérieur une petite concavité en forme de cuiller, qui est environnée d’un grand nombre de poils. C’est dans cet enfoncement que les abeilles ramassent la cire qu’elles recueillent sur les fleurs. Les jambes des bourdons qui ne recueillent point de cire, & celles du roi des abeilles, n’ont point cet enfoncement. Les extrémités des six pattes se terminent en deux manières de crocs adossés l’un à l’autre, avec lesquels les mouches s’attachent ensemble aux parois de la ruche, & forment diverses figures, tantôt de cône, tantôt de plan, tantôt de feston. Du milieu de ces deux crocs, il sort un petit appendice mince, qui se plie en deux selon sa largeur. Il est ordinairement plié, & lorsqu’il est étendu, il paroît une fois plus large ; il est fort mince & arrondi. Les abeilles se servent de cette partie pour s’attacher & marcher sur les matières polies, comme le verre. Il y a de l’apparence qu’elles s’en servent aussi comme de main pour prendre la cire, & la porter sur leurs deux pattes de derrière.

☞ La dernière partie de l’abeille, qui est le ventre, est distinguée en six anneaux. Dans son intérieur elle a deux parties remarquables ; l’une est une vésicule où va se ramasser le miel, qui s’y rend en passant par la trompe & par un canal fort étroit qui traverse la tête & la poitrine de l’abeille. Cette vessie, lorsqu’elle est pleine, est de la grosseur d’un petit pois. Elle est transparente, de sorte qu’on voit à travers la couleur du miel qui y est contenu.

☞ L’autre partie remarquable est l’aiguillon placé à l’extrémité du ventre de l’abeille, & qui entre & sort avec beaucoup de vîtesse, par le moyen des muscles situés tout près de cet aiguillon. Sa longueur est d’environ deux lignes ; il se termine en pointe fort aiguë, & est un peu plus gros vers sa racine. Il est d’une consistance de corne, creux en dedans en forme de tuyau par où passe la liqueur venimeuse, qui, renfermée dans une vessie, près de la racine de l’aiguillon, va sortir par sa pointe, & s’insinue dans la piqûre à l’instant que l’abeille perce la peau. L’abeille laisse presque toujours l’aiguillon dans la piqûre, & l’aiguillon entraîne avec lui la vésicule, & quelquefois une partie des boyaux de l’insecte. Si l’on retire aussitôt l’aiguillon, il ne se fait qu’une légère tumeur, parce qu’il ne passe dans la chair que peu de liqueur venimeuse ; mais si l’on n’est pas prompt à le retirer, tout le venin sort de la vessie, & pénètre en peu de temps dans la plaie ; ce qui cause une grosse tumeur, & beaucoup de douleur pendant plusieurs jours.

☞ Nous expliquerons au mot Alvéole, la manière dont les abeilles forment les alvéoles de leurs ruches.

☞ L’abeille qu’on nomme le Roi, & que l’on devroit plutôt nommer la Reine, est la mere de toutes les autres. Elle est si féconde, qu’autant qu’on en peut juger, elle peut produire en un an huit ou dix mille petits : car elle est seule, pour l’ordinaire, dans une ruche, au moins pendant une partie de l’année, & à la fin de l’été la ruche est aussi pleine d’abeilles qu’au commencement du printemps ; cependant il sort chaque année un essaim, & quelquefois deux ou trois, de dix à douze mille abeilles chacun. Il faut donc que l’abeille produise une partie de ces différens essaims : je dis une partie, parce qu’il se peut faire que le roi qui sort avec le nouvel essaim, en produise aussi une partie avant que de sortir. Cette mere abeille reste le plus souvent cachée dans l’intérieur de la ruche, & elle n’est visible que lorsqu’elle veut faire ses petits dans les rayons qui sont exposés à la vûe ; encore n’est-elle pas alors toujours visible ; car le plus souvent il s’y trouve dans ce temps-là un très grand nombre d’abeilles, qui en s’attachant les unes aux autres, font une espèce de voile depuis le haut jusqu’au bas de la ruche, empêchent qu’on ne voie, & ne se retirent que lorsque l’abeille y a déposé ses petits.

☞ Lorsqu’elle paroît à découvert, on la voit toujours accompagnée de dix ou douze des plus grandes abeilles ordinaires : elles lui font une espèce de cortège, & la suivent partout où elle va avec une démarche posée & fort grave. Avant que de mettre bas ses pe-


tits, elle met pour un moment la tête dans l’alvéole où elle se propose de les poser. Si cet alvéole se trouve libre, & qu’il n’y ait ni miel ni cire, ni aucun embryon, l’abeille se tourne sur le champ pour faire entrer la partie postérieure de son corps dans le même alvéole, & s’y enfonce jusqu’à ce qu’elle touche le fond. En même temps les abeilles qui l’accompagnent, & qui sont disposées en cercle au tour d’elle, ayant toutes leur tête tournée vers la sienne, la caressent avec leur trompe & leurs pattes, & lui font comme une manière de fête, qui ne dure que fort peu de temps : après quoi l’abeille sort de l’alvéole, dans lequel, après sa sortie, on voit un petit œuf blanc, fort mince, long d’environ une demi-ligne, ou trois quarts de ligne au plus, & quatre ou cinq fois plus long que gros, un peu plus pointu par une extrémité que par l’autre, & planté par l’extrémité la moins grosse sur la base, dans l’angle solide de l’alvéole. Cet œuf est formé par une membrane mince, blanche, unie & remplie d’une liqueur blanchâtre.

☞ Immédiatement après que la grosse abeille a fait un œuf dans un alvéole, elle va avec les mêmes circonstances en faire un autre dans un alvéole voisin ; & on lui en voit faire huit ou dix en différens alvéoles, immédiatement les uns après les autres, & il se peut faire qu’elle en ponde un plus grand nombre. Après avoir fait sa ponte, elle se retire, & va, accompagnée des mêmes abeilles, dans l’intérieur de la ruche, où on la perd de vûe.

☞ L’œuf qui reste sur la base de l’alvéole demeure quatre jours dans cet état, sans changer de figure ni de situation ; après les quatre jours, on le voit changé en manière de chenille, divisée en plusieurs anneaux, couchée & appliquée sur la même base, entortillée en rond, de sorte que les deux extrémités se touchent. Il est alors environné d’un peu de liqueur, que les abeilles ont soin de mettre au bout des quatre jours dans l’angle solide de la base. On ne sait quelle est cette liqueur ; si c’est du miel pour la nourriture de l’embryon, ou quelqu’autre matière propre à féconder le germe : car elle paroît plus blanchâtre, moins liquide & moins transparente que le miel.

☞ De quelque nature que puisse être cette première liqueur, dont le petit ver est environné, il est certain que dans la suite les abeilles lui apportent du miel pour nourriture. A mesure qu’il croît, elles lui fournissent une plus grande quantité d’aliment, jusqu’au huitième jour de sa naissance, qu’il est augmenté, de sorte qu’il occupe toute la largeur de l’alvéole, & une partie de sa longueur. Dans la suite, les soins que les abeilles ont de ces petits, finissent ; car elles bouchent avec la cire tous les alvéoles, où ces vers demeurent encore enfermés pendant douze jours. Durant ce temps il arrive aux embryons enfermés divers changemens, comme on le reconnoît en débouchant les alvéoles à des jours différens. D’abord les vers changent de situation, & d’entortillés qu’ils étoient auparavant sur la base de l’alvéole, ils s’étendent suivant sa longueur, & se placent la tête du côté de l’ouverture ; la tête du ver se développe un peu, & l’on commence à voir quelques petits alongemens, qui sont, à ce que l’on en peut juger, les premières origines de la trompe. On voit aussi sur l’origine de la tête un point noir, & à une petite distance de ce point, une raie noire sur le dos, mais qui ne va pas jusqu’à l’extrémité du ver ; on voit aussi les premiers linéamens des pattes fort petits.

☞ Après que la tête est formée, & la trompe prolongée, toutes les parties se développent, en sorte que tout le ver se trouve converti en chrysalide ou nymphe, qui est la mouche presque parfaite, excepté qu’elle est encore blanche & molle, & qu’elle n’a pas cette espèce de croûte dont elle est revêtue dans la suite. Par cette transformation, le ver se dépouille d’une peau blanche & très-fine, & qui s’attache si parfaitement aux parois internes de l’alvéole, qu’elle prend même les contours des angles, tant de la base que des côtés, & ne paroît former avec lui qu’un même corps. L’abeille s’étant dépouillée de cette pellicule, a les six pattes rangées sur le ventre depuis la tête, où sont les premières, jusqu’à l’extrémité postérieure du corps, où sont les dernières. La trompe avec les gaînes, est située, dans toute sa longueur, au


milieu