Page:Trevoux-1752-01-A-ANE.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41 ABE ABE 42


milieu des six pattes, depuis la tête jusqu’à l’extrémité presque de son corps ; les ailes sont couchées le long des deux pattes de derrière, du côté du ventre. Elles ne sont pas pour lors dans toute leur étendue, mais elles sont pliées en divers plis.

☞ L’abeille étant dans cet état, différentes parties de son corps changent successivement de couleur. D’abord les yeux paroissent d’un jaune un peu obscur, qui devient ensuite violet & après noir. Après ce jaune obscur, on remarque trois points qui forment un triangle isocèle sur le plus haut de la tête, lesquels changent ensuite comme les yeux, en passant par diverses couleurs, & deviennent noirs. Les bouts des ailes sont teints d’une couleur obscure fort légère. Une partie des cornes ou antennes, dont la longueur est séparée en deux également par un article, change, la partie la plus éloignée de la tête, la première, ensuite la plus prochaine. La trompe & le s pattes se voient en même temps de couleur de châtaigne. Toute la tête change, aussi-bien que la poitrine, dans une couleur de terre claire, & s’obscurcit dans la suite ; les ailes se trouvent déployées & étendues dans leur état naturel. On voit aussi les poils qui couvrent l’abeille, formés & rangés sur la tête, sur la poitrine & sur le reste du corps d'une manière fort agréable.

☞ Après tous ces changemens, l’abeille étant dans sa perfection, le vingtième jour après sa naissance, elle cherche à sortir de l’alvéole : c’est elle-même qui se fait l’ouverture, en coupant en rond, avec ses mâchoires, le couvercle qui la bouchoit, & que les abeilles avoient fait pour l’enfermer. La nouvelle abeille, en sortant de l’alvéole, paroît un peu endormie, mais elle prend bientôt son agilité naturelle ; car on la voit le même jour sortir de la ruche, & revenir de la campagne chargée de cire comme les autres. On distingue les jeunes abeilles par la couleur, qui est un peu plus noirâtre, & par les poils qui sont plus blanchâtres.

☞ La jeune abeille étant sortie par l’ouverture qu’elle a faite à son alvéole, il en vient aussitôt deux vieilles, dont l’une retire le couvercle, & va pétrir & employer ailleurs la cire dont il est composé ; l’autre travaille à raccommoder cette ouverture ; car de ronde ou inégale que la jeune abeille l’avoit laissée en sortant, celle-ci la fait hexagône, & lui donne sa première figure ; elle la fortifie avec le rebord ordinaire, & la nettoie en ôtant de petites pellicules de la jeune abeille qui y sont restées, & qui sont peut-être les dépouilles des pattes : car pour ce qui est d’une nouvelle pellicule, qui renferme tout son corps un peu avant que de sortir, il y a de l’apparence qu’elle s’applique comme la première, dont on a parlé, aux parois de l’alvéole. Ces pellicules qui s’attachent aux cellules, les font changer de couleur ; & c’est par cette raison, qu’on trouve dans une ruche des rayons de couleur différente, ceux où il n’y a eu que du miel étant d’un jaune clair, & ceux d’où sont sortis les abeilles étant d’un jaune obscur. Nous avons détaché quelquefois d’un alvéole, qui avoit été le berceau de plusieurs abeilles, jusqu’à huit de ces pellicules collées les unes sur les autres.

☞ L’alvéole étant réduit à sa première perfection, les abeilles y font quelquefois le jour même de nouveaux œufs, quelquefois elles y mettent auparavant du miel : nous avons vû les abeilles faire cinq fois différentes leurs petits dans les mêmes alvéoles dans l’espace de trois mois.

☞ Les abeilles recueillent deux sortes de cire fort différentes. La première, qui est brune & gluante, leur sert pour boucher toutes les ouvertures de la ruche, & quelquefois d’appui pour y attacher les rayons. La seconde est la cire ordinaire, qu’elles emploient dans la construction des alvéoles. Les abeilles recueillent la cire ordinaire sur les feuilles d’un grand nombre d’arbres & de plantes, & sur la plupart des fleurs qui ont des étamines. Elles en ramassent une grande quantité sur les fleurs de roquettes, & principalement sur celles des pavots simples, qui ont une grande quantité de ces étamines, & elles prennent souvent toute leur charge sur une de ces fleurs. Mais elles travaillent avec une si grande vîtesse, que quelqu’attention qu’on y prête, les yeux ont bien de la peine à les suivre, & à s’assûrer de quelle manière elles s’y prennent. Il est certain qu’elles ramassent la cire avec les poils dont leur corps est garni, en se roulant sur la fleur ; car on les


voit retourner de la campagne ces poils chargés de petites particules de cire en manière de poussière ; ce qui arrive seulement lorsque les matinées sont humides, l’humidité qu’il y a sur les fleurs étant peut-être cause que ces particules ne se peuvent lier facilement ensemble à l’endroit de leur corps, où elles ont coutume de les mettre ; mais lorsqu’elles sont arrivées dans la ruche, la chaleur faisant évaporer l’humidité, elles ramassent la cire plus facilement avec leurs pattes, en les passant plusieurs fois sur leurs poils. Pour l’ordinaire, elles recueillent les particules de cire avec leurs serres & leurs pattes de devant ; de celles-ci elles les font passer aux pattes du milieu, qui les portent ensuite sur l’article du milieu des deux pattes de derrière, où elle se trouve à la fin ramassée de la grosseur & de la figure de deux petites lentilles. Cet article est plus large que les autres, & il a une petite concavité en forme de cuiller, destinée à cet usage ; de plus, cette concavité est environnée de petits poils, qui servent, pour ainsi dire, de doigts pour retenir la cire dans cet endroit, afin qu’elle ne tombe point lorsque les abeilles s’en retournent à la ruche. Outre ces moyens que la nature leur a fournis, elles prennent encore d’autres précautions pour ne pas perdre le fruit de leur travail. A mesure qu’elles font passer les particules de cire sur les pattes postérieures, elles compriment ces particules ensemble ; ce qu’elles font par le moyen des deux pattes du milieu, qu’elles portent en arrière, & qu’elles appliquent plusieurs fois & en différens sens sur la cire, de la manière que nous avons coutume de comprimer avec les deux mains des particules que nous voulons ramasser ensemble. Elles ont principalement ces attentions, lorsqu’étant chargées d’une quantité suffisante de miel, elles sont prêtes de s’envoler, & de retourner à la ruche ; & si les fleurs sur lesquelles elles sont appuyées, n’ont pas assez de consistance, ou sont agitées par le vent, elles cherchent quelque lieu plus fiable, & plus propre à résister aux petites compressions qu’elles font sur la cire.

☞ Les abeilles "tant arrivées à la ruche, se déchargent de la cire ordinaire en deux manières différentes. Appuyées sur leurs deux pattes de devant, elles font plusieurs mouvemens des ailes & du corps, à droite & à gauche ; & comme si ce mouvement & le bruit que font les ailes par ce mouvement, étoit pour avertir leurs compagnes qui sont dans la ruche, il en vient trois ou quatre qui prennent chacune une portion de cire avec leurs serres. A ces premières, il en succède plusieurs autres, qui prennent chacune leur part, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de cire sur la patte des mouches : après quoi elles retournent à la campagne pour y faire une nouvelle récolte. C’est aussi de cette manière qu’elles sont déchargées de l’autre sorte de cire, qui est une espèce de glu, qui tient si fort à la patte de l’abeille qui en est chargée, qu’il faut que les abeilles qui la détachent, & celles qui en sont chargées, fassent des efforts, & se cramponent pour qu’elle puisse être tirée. Mais lorsqu’il y a dans la ruche un grand nombre d’alvéoles, pour se décharger de la cire ordinaire, elles pratiquent une manière bien plus prompte & qui n’a besoin d’aucune aide. L’abeille chargée cherche un alvéole dans lequel il n’y ait ni miel, ni aucun ver ; l’ayant trouvé, elle s’attache par les deux pattes de devant sur son bord supérieur ; ensuite elle plie le corps un peu en devant pour mettre les deux parties postérieures dans l’alvéole : dans cette situation elle porte en arrière les pattes du milieu, une d’un côté, l’autre de l’autre, & les faisant glisser de haut en bas le long des deux pattes postérieures où sont les deux corps lenticulaires de cire, elle les détache en cette manière, & les fait entrer dans l’alvéole. Il y en a qui se contentent de laisser la cire à l’endroit de l’alvéole où elle tombe en la détachant des pattes ; mais la plûpart, après s’en être déchargées, entrent dans l’alvéole, & rangent fort proprement au fond les deux petits corps de cire, l’un à côté de l’autre. Cela fait, l’abeille se retire.

☞ Presqu’aussitôt il en vient une autre ; il y en a même qui sont à attendre que la première soit sortie, pour y entrer & faire à leur tour leurs ouvrages. Si les deux morceaux de cire ne sont pas rangés, elles les portent au fond de l’alvéole, & les détrempent avec leurs deux mâchoires pendant un demi-quart-d’heure ; de sorte que quand la


C iij mouche