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J’ai nommé cette riviére la riviére de Cocaigne, à cause du grand nombre de gibier & de poisson que j’y trouvai pendant huit jours que le mauvais temps m’obligea d’y demeurer : outardes, canards, farcelles, pluviers, beccasses, beccassines, tourttes, lapins, perdrix, perdreaux, saumons, truites, maquereaux, éperlans, huîtres, &c. Le pays est très-agréable : le terroir est plat, couvert de très-beaux arbres, tant en grosseur qu’en hauteur, de toutes les sortes que j’ai nommées. Il y a aussi de grandes prairies le long de la riviére, qui entre environ cinq à six lieues dans les terres ; le reste n’est navigable qu’en canot, & il s’y trouve beaucoup plus de pins que d’autres arbres.

☞ La riviére de Richibouctou est environ à dix lieues de la derniére. Voyez ce mot. Sortant de Richibouctou pour aller à Miramichi, à la gauche, l’on trouve de grands platins de fable qui avancent fon au large dans la mer, & même le long de toute la côte, qu’il ne faut pas approcher de trop près l’espace de huir à dix lieues ; après quoi l’on trouve une grande baie qui entre plus de deux lieues dans les terres, & qui a bien autant de large. Toute cette baie est aussi de platins, dont la plus grande partie découvre de basse mer, & la mer y est très-dangereuse de mauvais temps, parce qu’elle brise par-tout. Il y a pourtant un petit canal qui est bien tottu, qui conduit dans la riviére ; il le faut bien sçavoir pour y encrer, encore n’y peut-il passer que des barques de douze à quinze tonneaux de pleine mer. Toute l’étendue de ces platins continue jusqu’à l’embouchure de la riviére de Miramichi, dont l’entrée est fort étroite, à cause d’une petite isle qui est à la droite en entrant, qui ferme l’ouverture. Cela passé, l’on trouve une belle riviére large d’une portée de canon, qui est assez profonde : les deux côtés sont des rochers assez hauts, sur lesquels il y a de beaux bois : l’on y trouve pourtant quelques petites anses basses, où l’on peut aborder & descendre avec des chaloupes ou canots. Cette riviére a cinq ou six lieues de long, où les bâtimens peuvent monter, & là on trouve deux autres riviéres assez grosses qui tombent dedans, & aboutissent toutes les deux en pointe & forme une fourche ; mais il n’y peut monter que des canots à cause des roches qui y sont çà & là. Celle qui est à gauche en montant, va à la riviére de Richibouctou ; l’autre qui est à droite va du côté de la baie des Chaleurs : du haut de cette riviére l’on va tomber par le moyen d’un portage de canot, en la riviére de Népigiguit, qui est dans le fond de la baie des Chaleurs. Les Sauvages m’ont dit que dans le haut de ces riviéres la terre est belle & platte ; que les arbres y sont beaux, gros & clair-semés, & qu’il n’y a point de petits arbres qui les empêchent pour la course de l’élan. Ce sont les mêmes espéces de bois que j’ai ci-devant nommées. Dans les vallons où les eaux font un marécage, il y a force sapins, mais petits & fort épais. Pour le bas des riviéres où se fait la fourche à la gauche, ce sont rochers, & à la droite c’est un plat-pays, où il y a une grande prairie de plus de deux lieues de long & demi-lieue de large en un endroit, & de trois quarts de lieue en un autre. Il y a quelques petits arbres dedans & fort éloignés les uns des autres : il s’y trouve aussi grande quantité de : fraises & framboises, & il s’y amasse un grand nombre de tourtes. Il entre dans cette riviére une si grande quantité de plongeons, que la nuit on ne peut dormir, tant est grand le bruit qu’ils font en tombant sur l’eau, après s’être élancés en l’air : ce qui vient de la peine qu’ils ont eue à passer ces platins, pour le peu d’eau qu’il y a ; après quoi ils s’égaient à leur aise lorsqu’ils rencontrenr plus de fond ; ensuite ils montent dans les riviéres qui vont bien avant dans les terres, & qui descendent de plusieurs lacs qui dégorgent les uns dans les autres. En tous ces lacs on trouve force castors, & peu d’orignaux ; pour la chasse du gibier, elle est très-bonne & très-abondante. Le coquillage n’y manque pas, les platins en sont remplis. Les Sauvages sont dans ces riviéres en plus grand nombre que dans les autres.

☞ La riviére Miscou est à dix lieues de-là, en suivant la côte qui est quasi toûjours de sable : il s’y trouve plusieurs anses grandes & petites, où il y a des prairies & des étangs d’eau salée que la mer fait en montant ; il se trouve aussi quelques gros ruisseaux ; & en tous ces endroits la


chasse des oiseaux de toute espéce n’y manque point : la côte est toute remplie de bois pareils aux autres, à la réserve que les cédres y sont plus communs. Deux lieues avant que de trouver les isles de Miscou, l’on rencontre une grande anse qui est le passage de Caraquet, qui aboutit à la baie des Chaleurs. Après avoir fait deux lieues le long de la côte, l’on trouve une autre petite entrée pour des barques, qui est entre les deux isles de Miscou : l’entrée est dangereuse de mauvais temps, parce qu’il y a une barre de sable qui brise furieusement ; des deux côtés des isles il y a des pointes de sable qui rendent l’entrée étroite ; mais dès qu’on les a passèes, le dedans s’élargit. A la droite en entrant est la petite isle de Miscou, qui a quatre ou cinq lieues de tour. Ayant pasé la pointe, il en paroît une partie comme une grande étendue de terres sans arbres, qui ne font que des marécages tous pleins de brandes. Lorsqu’on a passé ces marais, on trouve de la terre couverte de sapins, mêlés de quelques petits bouleaux ; après quoi l’on rencontre une grande pointe de sable qui fait une anse d’une grandeur considérable : c’est là que mouillent les navires qui y vont faire leur pêche, à l’abri des deux isles. L’eau douce est fort éloignée de ce quartier-là ; mais en récompense, à quelques deux cens pas de la côte, vis-à-vis ou environ le milieu des bois dont je viens de parler, il sort du fond de la mer un bouillon d’eau gros comme les deux poings, qui conserve fa douceur dans un circuit de vingt pas, sans se mêler en façon quelconque, soit par le flux ou le reflux de la mer, ensorte que le bouillon d’eau douce hausse & baisse comme la marée. Les pêcheurs y vont faire leurs eaux avec leurs chaloupes pleines de barriques qu’ils emplisenr à sceaux, comme s’ils puisoienr dans le bassin d’une fontaine. A l’endroit où est cette fontaine extraordinaire, il y a une brasse d’eau aux basses marées, & l’eau est salée tout autour comme le reste de la mer. Le passage des vaisseaux est entre la grande isle & la grande pointe de sable de la petite isle. IJ faut côtoyer la grande isle, pour prendre le bon chenal qui a toûjours brasse & demie & deux brasses d’eau. Sortant de-là il faut entrer dans la baie des Chaleurs, & en faire le tour pour aller à l’isle Percée.

☞ Pour entrer dans la baie des Chaleurs, étant sorti du havre de Miscou, laissant la grande isle à la gauche, on la côcoie environ trois lieues durant, après quoi on trouve le petit passage qui vient de la baie de Miramichi. On passe le long des isles de Tousquet, & sortant de la baie de Tousquet, & entrant dans la baie des Chaleurs, l’on côtoie dix lieues de roches escarpées, au pied desquelles la mer bat, ensorte que si un navire s’y perdoit, il ne s’en sauveroit personne. Le dessus est couvert de méchans petits sapins. Voyez Baie des Chaleurs.

☞ Le bout de la baie des Chaleurs est le cap d’Espgir, à une lieue de-là le cap Enragé. De-là à l’isle Percée, toute la côte est fort haute de roches coupées : la mer bat au pied, mais dans le milieu on trouve une petite anse où une chaloupe se peut mettre à couvert. La pêche est très-abondante aux environs de l’isle Percée. On y prend grand nombre de maquereaux & harengs pour la boite, l’éperlan & le lauson donnent aussi à la côte, où ils s’échouent, parce que la morue les fuit. A une portée de fusil de la côte est la haute montagne, appellée la Table à Rolant. Il y a d’autres montagnes aussi hautes qui la joignent.

☞ Ces montagnes vont toutes en descendanr jusqu’au fond de la baie des Momes, qui est à trois bonnes lieues de l’isle Percée. A une lieue de l’isle Percée est l’isle de Bonne-Aventure.

☞ Sortant de Bonne-Aventure & de l’isle Percée, l’on entre en la baie des Morues. A la pointe septentrionale de cette baie, nommée le Forillon, il y a une petite isle. De cette isle en la riviére de Gaspé, l’on compte quatre bonnes lieues ; sçavoir, deux lieues à l’entrée de la riviére, & deux où sont les vaisseaux. Sortant de cette riviére l’on passe un grand cap, & à trois ou quatre lieues de-là, pa roit le cap des Rosiers. Voilà l’étendue des côtes, depuis la Nouvelle Angleterre jusqu’à la grande riviére de Saint Laurent. Denys. P. i. C. i. 9.

☞ De la derniére anse, allant à la riviére de Saint Jean, ce ne sont que des rochers six ou sept lieues durant : la cote en est fort dangereuse, & environ trois quarts de lieue


lieue