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lieue plus en mer que l’isle de Ménane, il y a un port qui est bon & fort spacieux. Son entrée est entre deux pointes, & a moins de cent pas de large. Les vaisseaux de trois ou quatre cens tonneaux y peuvent entrer de toutes marées. L’anchrage est bon, & quand les cables manqueroient, l’on n’echoueroit que sur des vases. Le havre peut contenir mille vaisseaux ; le bassin est entouré de montagnes de roches fort hautes. Les navires peuvent mettre le beaupré en terre à la droite en entrant. La roche y est escarpée. Il y a quelques petites riviéres & ruisseaux qui tombent dedans, & qui viennent de toutes ces montagnes. Au bout, ou extrémité du havre, il y a une montagne de roche blanche comme lait, & qui est aussi dure que le marbre : en un autre endroit il y a une terre mêlée de petits cailloux de plusieurs couleurs ; il en est tombé des morceaux à la côte d’assez bonne grosseur, contre lesquels la mer bat, sans qu’ils se mettent en piéces ; au contraire ils s’endurcissent si fort à l’air & à l’eau, que les outils n’en sçauroient faire sortir la moindre petite pierre : ce qui me fair croire qu’ils ne seroient pas moins beaux ou polis que le marbre, aussi-bien que la roche blanche dont je viens de parler, si l’on en vouloit faire l’essai. Il y a pêche de saumon dans le havre, & le maquereau y est abondant. Il s’y en pêche de monstrueux en grosseur & en longueur. On les prend à la ligne à l’entrée du havre : c’est une pointe de sable où l’on trouve force coquillages. Il y a aussi des étangs au bas des montagnes, ou il y a très-bonne chasse d’outardes, de canards & de toutes autres sortes de gibiers. Io.

☞ On peut faire du sel en Acadie, & l’on y en a fait. ID. P.u.c. x.

☞ ACADINE. s. f. Fontaine de Sicile proche des deux lacs de soufre & de feu, nommés Delles. Elle étoit consacrée avec les deux lacs aux deux freres Paliques, fils de Jupiter & de la nymphe Thalie ou Actua, & fameuse par les preuves des fermens qu’on y faisoit. On ne doutoit point de la vérité du serment, lorsque les planches de bois, sur lesquelles on avoit écrit le serment, alloient à fond ; le serment étoit réputé faux, & sur le champ le parjure étoit aveuglé, ou même brûlé par les flammes des lacs, lorsqu’elles surnageoient. Aristote, Etienne de Byzance, Diodore de Sicile, Le Clerc & Moreri parlent de cette fontaine.

☞ AÇAFRAN. s. m. Nom propre d’une riviére d’Afrique, qu’on nommoit autrefois Quinalaf, & que quelques-uns appellent aujourd’hui Vetxilef. Acafranus Fluvius. Il est dans le royaume de Tremecen. La ville de Col des Modechaves est sur le bord de l’Açafran.

ACAJA, autrement, IBAMETARA. C’est un des plus grands arbres du Bresil, dont Pison parle, l. IV. c. 16. & qu’il distingue de l’Acajou dont il avoit parlé, c. 6. Il paroît cependant que ce n’est qu’une espèce de l’Acajou ; car il appelle aussi cet Arbre Acaja iba, comme celui-ci.

ACAJOU, s. m. Arbre d’Amérique de la hauteur de nos pommiers, branchu & chargé de beaucoup de feuilles. L’écorce de son tronc est ridée & cendrée. Son bois est rougeâtre, ses feuilles sont sèches, fermes, luisantes, arrondies, & ont cinq pouces de longueur sur trois de largeur. Les extrémités de ses branches se terminent par un bouquet de fleurs panachées de rouge & de verd, d’une seule pièce taillée en entonnoir. De plus de cent fleurs qu’il y a quelquefois sur un bouquet, il n’y en a que trois à quatre qui nouent ; c’est le pistille de la fleur qui devient un fruit de la figure d’une poire grosse comme un œuf d’oie, qui en mûrissant est tantôt rouge, tantôt jaune, & tantôt également teint de ces deux couleurs, & dont la grande acreté diminue à mesure qu’il mûrit. De l’extrémité de ce fruit pend une semence ou amande bonne à manger, revêtue de deux écorces, dont la première est gris de souris, & l’autre brune, entre lesquelles est contenue une liqueur huileuse, très-caustique, & dont on se sert en Amérique pour emporter les dartres & faire tomber les cors des pieds. Le suc de cette poire, qui soutient la semence, quand il est nouvellement exprimé, est blanc, laiteux, & d’une acreté si grande, qu’il prend à la gorge, & qu’on ne peut le boire qu’après qu’il a fermenté & qu’il s’est éclairci ; pour lors il est agréable, & a le goût du vin. Il coule du tronc de l’Acajou une gomme pareille à celle qu’on nous apporte du Sénegal ; mais elle est en plus gros morceaux ; elle


se fond dans l’eau comme la gomme Arabique. Thevet, Pison, & la plupart des Voyageurs nous ont parlé de cet arbre.

Il y a d’autres arbres qu’on nomme dans les Isles d’Amérique Acajou rouge, Acajou blanc, Acajou à planches, Acajou à canot ; mais le caractère de ceux-ci ne nous est pas si connu. Monsieur Louvillers de Poinci, dans son Histoire naturelle des Antilles, le décrit plus exactement & différemment de ceci. Voici ce qu’il en dit. Il y a trois sortes d’arbres qui portent le nom d’Acajou. Mais il n’y en a qu’un qui porte du fruit. C’est un arbre de moyenne hauteur, qui panche ses branches jusques à terre. Ses feuilles sont belles & larges, arrondies par-devant, & rayées de plusieurs veines. Il porte des fleurs qui sont blanches, lorsqu’elles s’épanouissent nouvellement ; puis après elles deviennent incarnates, & de couleur de pourpre. Elles croissent par bouquets, & elles exhalent une très-douce odeur. Ces fleurs ne tombent point jusqu’à ce qu’elles soient poussées par une espèce de chataigne faite en forme d’oreille, ou de rognon de lièvre. Quand cette chataigne a pris son accroissement, il se forme au-dessous une belle pomme longuette, qui est couronnée de cette crête, qui devient en mûrissant d’une couleur d’olive, pendant que la pomme se revêt d’une peau délicate & vermeille au possible. Elle est remplie au-dedans de certains filamens spongieux, qui sont imbus d’un suc tout semblable, doux & aigre, qui désaltère grandement, & que l’on tient être très-utile à la poitrine, & aux défaillances de cœur, étant tempéré avec un peu de sucre. Mais s’il tombe sur quelque linge, il y imprime une tache rousse qui demeure jusqu’à ce que l’arbre fleurisse de nouveau. Les Indiens font un breuvage excellent de ce fruit, lequel étant gardé quelques jours, a la vertu d’enyvrer aussi promptement que le meilleur vin de France. La noix qui est au-dessus étant brûlée, rend une huile caustique, de laquelle on se sert pour amollir & même pour extirper les cors des pieds. Si on la casse, on trouve dedans un pignon couvert d’une tendre pellicule, laquelle étant ôtée, est d’un très-bon goût, & a la vertu d’échauffer & de fortifier l’estomac. Cet arbre ne porte du fruit qu’une fois l’an, d’où vient que les Brésiliens comptent leur âge avec les noix qui croissent sur cette pomme, en réservant une par chaque année, laquelle ils conservent avec grand soin dans un petit panier qui n’est destiné qu’à cet usage. Si on fait une incision au pied de cet arbre, il jette une gomme claire & transparente, que plusieurs ont prise pour celle qui vient d’Arabie. La semence de l’arbre est en la noix, qui produit aisément étant mise en terre.

Les autres Acajous sont des arbres propres à bâtir. On en fait cas à cause de leur hauteur & de leur grosseur si excessives, que les Caraibes tirent souvent d’un seul tronc ces grandes chaloupes, qu’ils appellent Pyranguës, qui sont capables de porter 50. hommes. Il pousse plusieurs branches fort touffues, & qui sont un ombrage fort agréable, & même quelques-uns tiennent qu’il contribue à la santé de ceux qui s’y reposent. Il y a deux sortes d’Acajou, qui ne diffèrent qu’en la hauteur de leur tronc & en la couleur de leur bois. Le plus estimé est le rouge, qui outre ce qui en a été dit ci-dessus est de bonne senteur, & fort facile à mettre en œuvre. Il ne se pourrit point dans l’eau. Les armoires qui en sont faites donnent une bonne odeur aux habits, & les préservent des vermines qui s’y engendrent, ou s’y glissent, dans les coffres d’une autre matière. Ces propriétés sont cause que quelques-uns ont cru que cet arbre étoit une espèce de Cèdre. On en fait de l’escente pour couvrir les maisons. L’Acajou blanc est semblable au dehors à l’Acajou rouge ; mais il n’est pas tout-à-fait si haut. Il est facile à mettre en œuvre, quand il est fraîchement coupé ; mais si on le laisse à l’air il se durcit en telle sorte, qu’on a bien de la peine à s’en servir. Il est sujet aux vers, & se pourrit en peu de temps. Si on fait une incision au pied de ces arbres ; ils jettent une grande abondance de gomme. Voyez aussi l’Histoire des Antilles du P. Du Tertre Tr. III. C. 4. §. 4. & C. 5. §. 6. & Pison L. IV. C. 6. Il l’appelle du nom que lui donnent les Sauvages, Acaja Iba.

ACALIFOURCHONNÉ, ÉE, adj. qui est à califourchon, terme bas & peu en usage. Le rustre s’étoit acalifourchonné sur mon cheval, & déja comme sien le talonnoit de bonne grace. Cyrano.


Tome I. H ☞ ACALUS