Page:Trevoux - Dictionnaire, 1743, T01, A.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
24
ABB ABC ABD


a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent, fassent de même.

Abbé, se dit proverbialement en ces phrases. On vous attendra comme les Moines font l’Abbé, c’est-à-dire, en mangeant toujours, en commençant à dîner : en un mot, on ne vous attendra pas. On dit encore, pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé ; pour dire, que l’opposition d’un particulier n’empêche pas la délibération d’une compagnie, ou la conclusion d’une affaire. On dit en proverbe Espagnol, Como canta el Abad responde el Monazillo ; & en François, le Moine répond comme l’Abbé chante ; pour dire, que les inférieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les supérieurs. On appelle par raillerie, Abbés de sainte Espérance, ceux qui prennent la qualité d’Abbés sans avoir d’Abbaye, & quelquefois même de bénéfice ; ou Abbés de sainte Elpide, qui veut dire la même chose, car ἒλπίς signifie espérance en Grec.

ABBESSE : c'est le nom qu’on donne à une Religieuse qui est Supérieure d’une Abbaye. Abbatissa. Les Abbesses ont les mêmes droits sur leurs Religieuses, que les Abbés Réguliers ont sur leurs Moines, parce qu’elles sont revêtues de la même dignité. Leur sexe ne leur permet pas à la vérité de faire les fonctions spirituelles qui sont attachées à la Prêtrise ; mais il y a des Abbesses qui ont droit, ou plutôt un privilége, de commettre des Prêtres pour ces fonctions. Elles ont même une Juridiction comme Episcopale, aussi-bien que quelques Abbés Réguliers qui sont exempts de la juridiction de leurs Evêques. Voyez Exemption. Autrefois les Abbesses étoient électives : aujourd’hui le Roi les nomme toutes : ce n’est pas en vertu du Concordat, car il n’y en est pas fait mention. François I & Henri II ont obtenu des Indults pour nommer les Abbesses. Aujourd’hui les Bulles que le Pape donne pour les Abbesses, portent, que le Roi a écrit en faveur de la Religieuse nommée, & que la plus grande partie de la Communauté a consenti à son élection. Cela se fait pour conserver une image de l’ancien usage. Pinson. Le P. Martene, dans son Traité des Rits de l’Eglise, dit que quelquefois les Abbesses ont entendu les confessions de leurs Religieuses : il le prouve par les actes de la vie de sainte Burgondofere. Il ajoute que quelques Abbesses s’étant attribué en cela plus d’autorité qu’il ne convenoit, on avoit été obligé de réprimer leur vanité ou leur curiosité. On lit dans le Droit oriental, que Marc, Patriarche d’Alexandrie, consulta Balsamon, pour savoir si un Evêque devoit accorder aux Abbesses la permission qu’elles demandoient, d’entendre les confessions de leurs Religieuses ; à quoi Balsamon répondit que non, quoique saint Basile, dans ses petites Regles, permît aux Abbesses d’entendre avec un Prêtre, les confessions de leurs Religieuses. Saint Césaire, Evêque d’Arles, a écrit une Regle pour le Monastère de sainte Césaire sa sœur, où il y a de fort beaux Reglemens par rapport aux Abbesses. Elle se trouve dans Bellandus, Tome I. p. 730. & suiv. C’étoit une coutume assez ordinaire dans la seconde Race de nos Rois, de faire les filles des Rois Religieuses & Abbesses. P. Dan. Selon le Concile de Trente, Sess. 25. Chap. VII. les Abbesses doivent être élues en présence de l’Evêque ou d’un autre tenant sa place, du Corps, s’il se peut, du Monastère, âgée de quarante ans, ou au moins de trente, ayant huit, ou au moins cinq années de profession. Une même Abbesse ne peut régir deux Monastères. Les François fonderent autrefois des Abbayes sans qu'il leur en coûtât beaucoup : on cédoit à des Moines autant de terres incultes qu'ils pouvoient en mettre en valeur. Ils travailloient à dessécher, à défricher, à bâtir, à planter, moins pour être plus à leur aise, que pour en soulager les pauvres. Ces lieux arides & déserts devinrent agréables & fertiles. Il y avoit des Abbés si riches, qu'ils pouvoient mettre une petite armée sur pied : ce qui fit qu'on les invita aux assemblées du Champ de Mars, & aux Cours plenières. Le Gendre.

ABBEVILLE. Abbavilla, Abbatisvilla. Nom d'une ville de France, capitale du Comté de Ponthieu, dans la Picardie, situé sur la Somme, environ à cinq lieues de son embouchure, patrie des deux Sansons, célébres Géographes. Son nom, qui signifie Maison de campagne de l’Abbé, lui vient de ce que ce n’étoit autrefois qu’une maison ou ferme qui appartenoit à l’Abbé de saint Riquier. Hugues le Grand l’ôta aux Moines de cette Abbaye, dit Hariulphe, L. IV. c. XII. pour en faire un château qui arrêtât les courses des


Barbares : il en donna le commandement à Hugues son gendre, qui après la défaite & la mort du Comte de Boulogne, épousa la Comtesse Adelaja sa femme, & prit le titre de Comte, qu’il laissa à sa postérité. Ce fut sous ces Comtes qu’Abbeville, de simple ferme, devint une ville. L'Histoire Ecclésiastique d'Abbeville & de l'Archidiaconé de Ponthieu en François a été faite par le P. Ignace Jos. de Jesus-Maria, Carme Déchaussé. Il y a à la fin un Catalogue des Auteurs d'Abbeville & de l'Archidiaconé de Ponthieu. A Paris, 1646. in 4°. Les Mémoires de l'Académie des Sciences donnent à Abbeville pour longitude, 19.d 30'. pour latitude, 50.d 5'.

La différence du Méridien d’Abbeville à celui de Paris est, selon M. de la Hire, 0h 1′ 48″. occid. ou 0° 27′ 0″. selon M. Cassini, 0h 1′ 52″. occid. 0° 28′ 0″. Sa latitude est, selon M. de la Hire, 50° 7′ 0″. selon M. Cassini 50° 7′ 0″.

ABBOI, Voyez Aboi.

ABC.

A. B. C. On prononce Abécé, s. m. Rudimentum. Alphabet de la Langue Françoise. C’est aussi un petit livre qui sert à apprendre à lire aux enfans. Cet enfant est encore à l’a b c.

A b c. signifie aussi le commencement d’une science, d’un art, d’une affaire ; Prima elementa. Quand on croit avoir pénétré les secrets de la Nature, on se trouve encore à l’a b c. Renvoyer quelqu’un à l’a b c, c’est le traiter d’ignorant. C’est dans le même sens qu’on appelloit l’Empereur Justin αναλφάβητος. Ce mot est composé des trois premières Lettres de l’alphabet François, comme le Grec, qui lui répond des deux premières, Alpha & Beta. Les Espagnols l’appellent Cartilla ; les Italiens Abaco, & les Anglois Abacus, qui vient du Grec ἀβακος, & s’est ainsi appellé, parce que pour commencer à apprendre les Lettres aux enfans, on les figuroit sur une tablette, ou sur une carte en forme de tablette, comme on fait encore dans les Ecoles de Mathématiques pour les figures qu’il faut montrer aux Etudians. Ou bien il s’est formé des trois premières Lettres de l’alphabet, comme le mot François A b c.

ABCASSE. Voyez Abasse.

☞ ABCEDER, (s') v. n. Terme de Chirurgie, se changer, se former en Abcès. Tumeur disposée à s'abcéder. Chirurgien dentiste. tom. I. p. 201.

ABCÈS, s. m. Tumeur contre nature, qui tend à corruption. Amas d'humeurs, ou de sang, qui se forme dans une partie interne du corps. abcessus, vomica. Le peuple l'appelle apostume. Cet homme est mort d'un abcès qu'il avoit dans le ventre. Un abcès qui perce ou suppure en dehors est capable de guérison. Voyez Tumeur & Aposthème. Quand un serin est attaqué d'un abcès qui se forme sur le croupion, vous le prenez dans vos mains, & avec une pointe de ciseaux bien fins, vous lui coupez adroitement la moitié de ce bouton blanc, puis en faites sortir le pus en le pressant un peu avec le doigt, & y mettez aussi-tôt dessus la plaie un petit grain de sel fondu dans la bouche, & cela fera sécher entièrement le mal. Si vous vous appercevez que votre serin souffre un peu, par ce que le sel le cuit, vous pourrez une heure après, ou environ, mettre sur son mal un petit morceau de sucre fondu avec la salive ; cela adoucira l'acreté du sel, & achevera de sécher la plaie. Hervieux.

ABD.

ABDALLA, s. m. & nom propre. Quoique ce nom ne soit pas François, mais Arabe, comme on le trouve souvent dans des Histoires ou Relations écrites en François, & qu'il vient de paroître encore tout récemment un Roman intitulé, les Avantures d’Abdalla, il ne sera pas inutile de dire ici ce qu'il signifie. Il est composé de deux mots Arabes, إباد, Abad, qui veut dire serviteur, celui qui honore, du verbe Abada, adorer, honorer, servir, & de Alla, Dieu ; ainsi Abdalla, c'est serviteur de Dieu.

ABDARA. Abdera, æ, ou Abdara. Ancienne ville d’Espagne, dans la Bétique, sur la côte de la Méditerranée. Elle avoit été bâtie par les Carthaginois. On la place ordinairement dans ce que nous appellons aujourd’hui le Royaume de Grenade, à-peu-près où est Adra, qui peut-être est Abdara même, dont le nom s’est corrompu.

ABDERE. Abdera, orum. Ancienne ville de Thrace. Plusieurs Savans croient qu’elle fut bâtie par Abderus, ou bien par Hercule, en mémoire d’Abderus, qui avoit été déchiré


déchiré