Page:Trevoux - Dictionnaire, 1721, T01, A.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vj PREFACE


soin de ne point perdre de vûë la nature de l'Ouvrage auquel on travailloit. On s'est contenté d'exposer les opinions sur lesquelles ces hérésies sont fondées, & cela d'une maniere simple, & qui ne sortît point des bornes d'un Dictionnaire, où l'on ne doit toucher ces matieres, qu'autant qu'elles sont du ressort de la Grammaire, & que les termes qui leur sont particuliers font partie de la Langue. C'est aux Théologiens à réfuter les erreurs, & à établir les véritez sur lesquelles est appuyée la véritable Religion ; il suffit au Grammairien d'expliquer nettement les termes dont on est obligé d'user, en traitant ces sortes de questions, & de donner des notions claires de ces partis différens, qui se sont élevés contre l'Eglise C'est tout ce qu'on peut exiger de luy, & il sortiroit de son caractère, s'il poussoit l'érudition plus loin. On n'attend point de luy qu'il s'érige en Controversiste, mais qu'il mette les Controversistes en estat de se rendre intelligibles les uns aux autres, dans les démêlés de Religion qu'ils ont ensemble. En un mot, sa jurisdiction est resserrée précisément dans les mots & dans les termes de la Langue, & elle ne s'étend point jusqu'aux choses, dont il ne lui est permis de parler qu'autant que cela est necessaire, pour l'intelligence des mots mêmes, qui font proprement l'objet qu'il doit se proposer, & la matiere où doit se renfermer son érudition & sa critique. Il a le champ libre de ce côté-là, & il ne peut même se dispenser de discuter exactement les difficultez de Grammaire qu'il rencontre quelquefois en son chemin. C'est à quoy on a tâché de satisfaire dans ce Dictionnaire, où, quand on est tombé sur des termes dont tout le monde ne convient pas, par rapport à la force & à l'étenduë de leur signification, & qui ont donné lieu à des contestations entre des Auteurs célèbres, jusqu'à rendre la chose problématique, on a crû devoir quelque explication sur ces points-là, afin de mettre le Lecteur à portée de prendre son party. On en trouvera un exemple sur le mot de commerce, qu'un savant Critique avoit trouvé mauvais qu'on eût employé en bonne part dans la Traduction du nouveau Testament, qui a paru depuis quelques années. L'Auteur qui, de l'aveu public, étoit un des hommes du monde qui entendoit le mieux notre Langue, & celuy, peutestre, qui l'avoit étudiée le plus à fond, s'étoit servi du mot de commerce pour traduire ces paroles de l'Ecriture, au sujet de Joseph & de Marie, antequam convenissent, en les rendant ainsi, sans qu'auparavant ils eußent eu commerce ensemble. Il avoit esté relevé sur cela ; & c'est ce qui a donné lieu de s'étendre un peu en tombant sur ce mot, où l'on vérifie par plusieurs exemples, qu'il est de soy indifférent au bien & au mal, & qu'il n'y a que le terme qu'on y joint, ou la matiere dont il s'agit, qui le détermine à un bon ou à un mauvais sens. On en a usé de la même maniere à l'égard des mots qui souffroient de semblables difficultez. Il y auroit encore beaucoup d'autres choses à dire à l'avantage de ce Dictionnaire, mais ausquelles on ne s'arreste pas, pour ne point faire cette Préface trop longue. Ce qu'on y a exposé suffit pour faire concevoir l'utilité du Livre, & pour convaincre qu'on n'y a rien omis de ce qui étoit nécessaire pour le rendre très-instructif.

Il ne reste plus qu'à parler de la forme qu'on lui a donnée ; ce qui n'est pas la chose la moins à considérer dans les Ouvrages tel que celuy-ci, où il faut contenter l'œil aussi bien que l'esprit. Il ne suffit pas aujourd'huy qu'un Livre soit plein d'érudition & de doctrine ; on veut encore qu'il fasse plaisir à lire, par la beauté du caractere & du papier, par la netteté de l'impression, & par la disposition & la distribution commode des pages. Quelque estimée qu'ait généralement été la première édition de celuy-cy, & quelque beau qu'en fût le caractere, cependant parce que bien des gens l'ont trouvé trop menu, l'on a jugé nécessaire d'en employer un plus gros dans la seconde, & qui pût convenir à tous les âges. On n'a pas eu moins d'attention que ce nouveau caractere non-seulement égalât la beauté du premier, mais qu'il le surpassât même, & que cette édition l'emportât autant par cet endroit sur la precedente, qu'elle la surpasse pour le nombre des additions. A la verité tout cela n'a pu se faire sans grossir baeucoup l'Ouvrage, & par consequent sans augmenter la dépense ; mais les avantages que le Public en retirera, sont si considerables, que l'on n'a pas crû qu'il nous dû sçavoir gré de l'en frustrer pour luy épargner quelque dépense.