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viande en la faisant trop bouillir. Le sucre, le miel, affadissent le cœur. Si le sel est affadi, avec quoi assaisonnera-t-on ? dit le Sauveur en S. Matthieu.

Affadi, ie, part. pass. & adj. Fatuus.

AfFAIRE. s. f. Ce qui peut occuper nos soins, nos pas, nos pensées, nous obliger à travailler, aller & venir. Negotium, Res. Il y a des gens toujours aussi occupés, que s’ils avoient mille affaires, quoiqu’ils n’en aient point d’autres que de savoir celles d’autrui. M. Scud. Pour faire l’homme occupé, & paroître accablé d’affaires, il faut froncer le sourcil, & réver à rien très-profondément. La Br. Plus le poids des affaires est grand, plus elles demandent de relâche. Le Gend. Notre grande affaire est celle de notre salut. Voilà une affaire, un cas de conscience. Il faut que chacun aille à son affaire, au travail qui lui est ordonné. Ne vous mettez pas en peine de cela, j’en fais mon affaire. Chacun se doit mêler de ses affaires. On dit aussi d’une chose que l’on regarde comme pénible, ou difficile à exécuter, que c’est une affaire : & au contraire, on dit d’une chose dont on croit venir facilement à bout, que ce n’est pas une affaire. Virgile a trouvé tant de rapports entre Didon & Enée, qu’il a cru que les trois cents ans qui les séparoient, n’étoient pas une affaire. Cela ne fait rien à l’affaire ; pour dire, c’est un discours inutile. Du Cange derive ce mot de Affarium, ou Affare, qui signifioit autrefois une metairie ; & il dit qu’en Languedoc & en Provence il signifioit toutes sortes de biens. On a dit aussi Afferi & Affri pour signifier des chevaux de labour : ce qui a été etendu à toutes sortes de possessions, & ensuite au négoce & aux affaires qu’on est obligé d’avoir pour les acquérir ou pour les défendre. Au reste, ce mot affaire étoit autrefois masculin, c’est pourquoi l’on met encore sur les paquets du Roi, pour les exprès affaires de Sa Majesté. On a conservé le style & le genre ancien par dignité. Vaug. Il faut éviter les inventions humaines dans les affaires de Dieu, & se former autant que l’on peut sur l’exemple des Saints. Ab. de la Tr. c’est-à-dire, dans ce qui regarde le service de Dieu & notre salut.

Affaire, se dit aussi d’une chose, de quelque manière qu’elle soit. Je vous fais le maître de cette affaire, pour la terminer à votre volonté. C’est une affaire faite ; pour dire, c’est une chose finie. C’est une affaire qui ne souffre point de remise. C’est une étrange affaire qu’une Demoiselle. Mol. Le mariage est une affaire trop sérieuse pour lui. Vous avez pris l’affaire du biais qu’il la falloit prendre. Mol. Je viens d’apprendre de belles, d’étranges affaires. Il a poussé l’affaire d’une manière assez vigoureuse. Mol. Entreprendre vertement une affaire. Commencer courageusement une affaire. Terminer une affaire avec esprit & avec cœur. Il faut délibérer avec l’occasion, & en la présence des affaires.

Affaire, se dit des ordres, des soins, des négociations qui regardent l’Etat. Les grandes affaires demandent en ceux qui en ont le maniement, un jugement promt & décisif, de peur qu’elles ne se ruinent par la lenteur. S. Evr. Un honnête homme sait mêler les plaisirs aux affaires. S. Evr. La multitude, ni l’embarras des affaires, ne mirent jamais sur son front ces nuages de chagrins qui écartent les gens. P. Gail. Depuis qu’un tel Ministre a pris le timon des affaires, toutes choses vont bien. C’est un homme qui est entré dans les affaires, dans les négociations étrangères. Les affaires de Rome sont brouillées. C’est une affaire d’Etat, de Religion. On dit en ce sens : Les affaires du temps ; pour dire, les nouvelles de l’état des choses du monde. Il est toujours fort dangereux d’écrire des affaires de son temps, quand on affecte trop d’en dire la vérité.

Affaire, se dit aussi quelquefois de la fortune, de l’état des biens d’une personne. Maintenant que les affaires du genre humain sont déplorées, & sans ressource, mettons Caton en sûreté. Bouh. La plupart des gens ne se mêlent des affaires d’autrui, que pour mieux faire leurs propres affaires. S. Evr. Graces à Dieu, les affaires vont bien. Ce Bourgeois est fort bien dans ses affaires ; c’est-à-dire, qu’il a du bien, qu’il n’a point d’affaires mauvaises, ni embrouillées, que ses affaires sont en bon état.

Affaire, se dit proverbialement en ces phrases : Chacun sait ses affaires, ou du moins doit les savoir ; & absolument qu’un homme sait ses affaires, quand il conduit bien ses affaires avec prudence. On dit d’un homme que ses affaires sont faites ; pour dire qu’il est perdu, qu’il est ruiné, ou qu’il ne doit plus prétendre à quelque chose. On dit que les affaires font les hommes ; pour dire, qu’avec un médiocre génie on devient habile homme, quand il passe beaucoup d’affaires par les mains de quelqu’un. On dit qu’il n’est point de petite affaire ; pour dire, que le moindre ennemi peut donner beaucoup de peine. On dit, Dieu nous garde d’un homme qui n’a qu’une affaire ; parce qu’un homme qui n’a qu’une seule chose à faire, en est ordinairement si occupé, qu’il en fatigue tout le monde. On dit avoir


affaire à la veuve & aux héritiers ; pour dire, qu’on ne manque pas d’occupation. On dit aussi avoir affaire à forte partie ; pour dire, qu’on n’a rien à négliger, & que l’on sera bien heureux si l’on se tire d’embarras. On dit, que ceux qui n’ont point d’affaires s’en font ; pour dire, que les hommes sont inquiets, & se lassent d’être oisifs & sans agir. On dit, à demain les affaires ; pour dire, qu’on ne veut songer alors qu’à se divertir. On dit ironiquement, qu’un homme a fait une belle affaire, pour dire, qu’il s’est trompé, qu’elle est ruineuse. C’est une autre affaire, c’est une affaire à part ; pour dire, qu’il ne faut pas confondre les choses. Les Poëtes ont feint que les Fées avoient cent yeux hors de leur maison, & que dedans, elles étoient aveugles. Nous ne voyons rien dans nos affaires, & cependant nous voulons voir clair dans celles des autres. De Roch.

Affaire, se dit encore de tout ce à quoi on est plus propre que les autres, & pourquoi on a un talent tout particulier. C’étoit l’affaire de Molière de jouer les Bigots, & les Médecins. C’étoit l’affaire de M. de la Bruyère de nous caractériser les mœurs de ce siècle. C’étoit l’affaire de Lucien de se moquer des Dieux. C’étoit l’affaire de la Fontaine de tourner un conte en vers.

On dit avoir affaire à quelqu’un ; pour dire, avoir à lui parler, avoir quelque chose à traiter avec lui. J’ai affaire à lui. Nous n’avons point d’affaire ensemble. Un Marchand a affaire à tout le monde.

On dit aussi avoir affaire à quelqu’un ; pour dire, avoir quelque contestation, quelque démêlé avec quelqu’un. Il a affaire à un terrible homme. Il faut prendre garde à qui on a affaire. Si vous l’attaquez vous aurez affaire à moi. Je n’avois point affaire à de la Cavalerie. Bussi. Dans ce sens on se sert plutôt du verbe faire, & l’on écrit, vous aurez à faire à moi.

Affaire, signifie aussi, Devoir. Partes, munus, officium. Ce n’est point mon affaire ; pour dire, cela n’est point de mon devoir, cela ne me regarde pas. Qu’avoit-il affaire d’aller porter cette nouvelle ? Pour dire, Cela étoit-il de son devoir ?

Affaire, signifie encore, Besoin. Opus, avec le verbe sum, ou habeo. Je n’ai point affaire de vos conseils. Qu’ai-je affaire de toutes ces querelles ? Acad. Fr. Qu’ai-je affaire de me fatiguer des pensées de la mort pour la recevoir constamment ? Je mourrai peut-être sans y penser. Nic. En ce sens on dit par ironie, j’ai bien affaire de cet homme-là ; pour dire, je ne me soucie guère de lui, je n’ai pas besoin de son service.

Affaire, signifie encore, Maladie dangereuse. Morbus gravis, periculosus. Tirer un malade d’affaires ; pour dire le guérir. Je me suis tiré d’affaires en faisant diète. J’ai vû notre malade, ses affaires sont faites ; pour dire, il n’en peut revenir, il faut qu’il meure.

Affaire, se dit aussi de ce qui donne beaucoup d’embarras, de peine, d’inquiétude. Cura, sollicitudo. La mort de son patron lui donnera beaucoup d’affaires, le fera bien courir. Un homme sage ne se veut point faire d’affaires. Il y a des gens qui se font des affaires de gaieté de cœur. Vois-tu la belle affaire que tu m’as faite par tes beaux avis ? Il étoit bien embarassé, mais je l’ai tiré d’affaires. Je lui ai fait une fâcheuse affaire, sans y penser. Cet homme vous donnera bien des affaires. On dit dans le style familier, Avoir des affaires par dessus la tête ; pour dire, avoir beaucoup d’affaires, beaucoup d’embarras.

Affaire, se dit aussi d’un grand dessein, d’une entreprise. Consilium. D’un grand coup, d’un accident particulier. Casus, eventus. L’entreprise du canal de Languedoc a été une grande affaire. La mort du Général ennemi est une grande affaire, un coup fort avantageux, très-important. Le tonnerre est tombé sur sa maison, c’est une affaire toute fraîche.

Affaire, se dit particulièrement des procès, & de tout ce qui se traite en quelque jurisdiction que ce soit, tant en matière civile, qu’en matière criminelle. Lis, causa, controversia. Il a une grande affaire au Conseil, au Parlement. C’est une affaire de grande & de longue discussion. Celui qui n’entend point les affaires, ne doit point se mêler de plaider. Ce Procureur, cet Avocat, ce Juge, ont beaucoup d’affaires ; pour dire, ont beaucoup de procès à instruire, de causes à plaider, d’instances à juger. Les affaires ne finissent point maintenant. On ne sauroit sortir d’affaire, vuider d’affaire, terminer une affaire avec ce chicaneur. Mon affaire va bien. Ce n’est pas parler en langage d’affaire ; c’est-à-dire, en homme habile & expérimenté dans les affaires. Il s’est bien démêlé de cette affaire. Voilà le nœud de l’affaire, la difficulté du procès. On le dit aussi en d’autres matières. Cette affaire est bien embrouillée, bien intriguée. En ce sens on appelle un homme d’affaires, celui qui fait les affaires d’une maison ; un solliciteur à gages, celui qui a soin des affaires domestiques d’un Seigneur. Le Droit civil accorde une action à celui qui a manié les affaires d’autrui, même sans commission, du moins pour ce qu’il a fait utilement.


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