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AFF AFF

Depuis Janvier jusqu’en Avril,
Sans redouter aucun peril,
Dorilas affamé de gloire
Forme de genereux desseins,
Dont ce Héros perd la mémoire,
Depuis Mai jusqu’à la Toussaints.

Affamé, se dit aussi des choses qui sont faites avec avarice, ou épargne, ou qui n’ont pas la grandeur ou la grosseur requise. Constrictus, Arctatus. Ainsi on dit qu’un habit est trop affamé, ou trop étroit ; un caractère, une lettre affamée, qui n’est pas bien nourrie, ou assez chargée d’encre. Macer, tenuis, tenuior, exilis, exilior, gracilis.

On dit en provèrbe, ventre affamé n’a point d’oreilles; pour dire qu’un homme qui a faim n’écoute guère ce qu’on lui dit. Jejunus venter non audit verba libenter. On appelle un poux affamé, un gueux à qui on a donné un emploi lucratif, dans lequel il veut s’enrichir en peu de temps. Il est affamé comme un jeune levron. Affamé comme un rat d’église. Mascur.

AFFAN. Ce mot vouloit dire autrefois, entente, intelligence. Peyre Guillen tout son affan mist Dieu in ley far per mon dam. C’est-à-dire, Dieu mit toute son entente à la faire pour mon dommage.

AFFANEURES. s. f. pl. Terme dont on se sert en quelques provinces, pour signifier le blé que les batteurs & les moissonneurs gagnent, au lieu de l’argent qu’on leur donne ailleurs.

AFFÉAGER. v. a. Donner à féage. C’est lorsque le Seigneur aliéne une portion de terres nobles de son fief, pour être tenue en roture ou en fief à la charge d’une certaine redevance, par celui qui en devient acquéreur. Voyez l’art. 358 de la Coutume de Bretagne.

AFFEBLOYER. vèrb. act. Qui vouloit dire autrefois, lorsqu’il était en usage, Affoiblir. Debilitare.

AFFECTANT, ante. adj. Qui témoigne vouloir quelque chose, ou l’aimer. Affectator, Consectator, Consectatrix. Les Républiques bannissent les citoyens affectans la tyrannie. Le style d’un Orateur affectant certaines figures ou expressions, est vicieux. Ces façons de parler ne sont pas bonnes:il faut dire, Qui affecte, & non pas Affectant.

AFFECTATION. s. f. Desir véhément dont on fait paroître trop de marques au dehors. Affectatio, confectatio. L’affectation des honneurs, & du commandement, est choquante. L’affectation qu’a une partie pour choisir un Rapporteur, le rend suspect aux autres.

Affectation, se dit aussi de certaine manière de parler ou d’agir qui n’a rien de naturel, qui est particulière à quelqu’un, & d’ordinaire vicieuse. Affectatio, nimia concinnitas. L’affectation est une envie démésurée de plaire, mais mal entendue. Bail. L’affectation est un mensonge, qui déguise le naturel, pour chercher dans un air emprunté de quoi se rendre ridicule. Id. Ceux qui parlent bien, parlent en termes propres & naturels, sans qu’il y paroisse ni étude, ni affectation. Cail. En pensant vous élever, vous tombez dans une affectation basse, puérile, fade, impertinente. St Evr. Le Tasse donne quelquefois dans l’affectation. Bouh. Croit-il réjouir les honnêtes gens par quantité d’affectations indignes & ridicules ? Racin. On dit que c’est Gorgias qui a introduit le premier l’affectation de cette politesse. Ablanc. Tout est naturel en lui ; il n’a rien qui ressente l’affectation. On ne penseroit point à démèler les intrigues de cette femme, sans l’affectation qu’elle a de passer pour une femme modeste & régulière. Bell. Une affectation trop étudiée de paroître prude est suspecte. Id. Les uns méprisent la mort par brutalité, & les autres par l’affectation d’un courage magnanime. La Plac. On a blâmé l’affectation des hyperboles, & des figures extraordinaires des premières lettres de Balzac. En cherchant trop le plaisant & l’agréable, on tombe d’ordinaire dans une sotte affectation. Boil. Les femmes ont certaines affectations qui les rendent ridicules.

Affectation, signifie aussi, Hypothèque, ou autre obligation dont un héritage est chargé. Hypotheca. Il m’a constitué une rente avec une affectation spéciale sur cette terre. Ce revenu a une affectation particulière, il doit être employé à telles & telles aumônes par sa fondation, & sa destination.

On dit aussi en Jurisprudence Canonique, Affectation d’un Bénéfice, en parlant de sa réservation au Pape, aux Gradués, &c. Jus, attributio.

Affectation, en termes de Medecine, se dit de la disposition d’un membre à l’égard des maladies, ou des blessures qui l’incommodent. Affectio. Quand on ordonne un remède, il faut avoir égard à l’affectation des parties.

AFFECTER, verb. act. Aimer, souhaiter quelque chose avec empressement & avec ostentation, la rechercher avec trop de soin. Affectare, consectari. Jesus-Christ a blâmé les Pharisiens d’affecter les premiers rangs dans les Assemblées. Les Républi-


ques appréhendent ceux qui affectent la tyrannie. Il affecte des manières de parler & d’agir qui sont singulières. J’espère que les rieurs dont il affecte les suffrages, ne seront pas de son côté. Menage. On n’est jamais si ridicule par les qualités que l’on a, que par celles que l’on affecte d’avoir. Rochef.

Affecter, signifie encore plus spécialement, faire les choses avec dessein, & avec artifice, prendre quelque chose à tâche. Dans toutes les professions chacun affecte une mine extérieure, pour paroître ce qu’il veut qu’on le croie. Nicol. C’est à la Cour que l’amitié affecte de s’étaler, & de jouer ses rôles les plus artificieux. M. Esp. Il affecte de dire en secret des choses de rien.

Affecter, signifie encore, Feindre, contrefaire. Fingere, simulare. Il y a un certain âge où il faut affecter d’être sage, de peur de passer pour ridicule. Flech. J’affectois à tes yeux une fausse fierté. Racin. Bien loin de soulager les personnes affligées, vous affectez de les ignorer Flech. Sous l’humble dehors d’un respect affecté, vous cachez une noire malignité. Boil.

Affecter, signifie encore, Toucher, Afficere. Cela m'affecte fort : mais il a vieilli en ce sens.

Affecter, signifie aussi, attacher, joindre. Adnectere, adjungere, attribuere On a affecté ce droit à la charge.

Affecter, signifie aussi, Obliger, hypothéquer au payement de quelque rente, ou de quelques charges ou devoirs. Oppignerare fundum. Tous ses biens sont affectés & hypothéqués à ses créanciers. Les revenus de ce bénéfice sont affectés avant toutes choses au payement des pensions. Les revenus de cet Hôpital sont affectés à la nourriture des orphelins.

Affecté, ée. part. Qui a de l’affectation, qui paroît recherché & étudié avec trop de soin, & trop d’art. Affectatus, exquisitior. Il a un air affecté qui le rend ridicule. Cléante ne rend pas justice au P. Bouhours, quand il dit que le Livre de ce Pere est d’un style affecté, flatté, peint, de nul usage, un pur artifice. L’air affecté & précieux empoisonne les meilleures choses. M. Scud. Ce qui est faux & affecté, est toujours fade & ennuyeux. Id. La simplicité affectée est une imposture délicate. Rochef. Je ne saurois souffrir vos rigueurs affectées. Gomb. L’ignorance vaut mieux qu’un savoir affecté. Boil.

On appelle en termes de Jurisprudence canonique, un bénéfice affecté, quand il est chargé de quelque mandat, indult, nomination ou réservation du Pape, en telle sorte que le collateur n’y peut pourvoir à la première vacance qui arrive : ce qui n’a point lieu en France. Attributus, addictus. On dit aussi, qu’il y a des noms affectés à certaines familles ; pour dire, qui leur sont attachés. Addictus, destinatus, proprius. Le nom de Taxile étoit affecté à ceux qui succédoient au Royaume. Vaug. Il y a des droits & des priviléges affectés à certaines charges ; pour dire, qui leur sont attribués.

En termes de Médecine on dit, qu’une partie du corps est affectée de quelque maladie, quand elle a contracté une mauvaise qualité ou disposition par quelques humeurs malignes, ou par quelque autre cause. Malè affectus. Ce Prédicateur a la poitrine affectée ; il ne soutiendra pas long-temps ce ton-là.

AFFECTIF, ive. adj. Qui affecte, qui touche, qui excite, qui remue les passions. Affectuum movendorum potens, peritus. Il a un naturel tendre & affectif. Son discours est affectif & touchant. Ses manières de prononcer sont affectives. Ce mot vieillit fort.

AFFECTION, s. f. Passion de l’ame qui nous fait vouloir du bien à quelqu’un, & qui se dit de l’amour, de la tendresse, de l’amitié. Amor, studium, benevolentia. Porter l’affection à quelqu’un ; prendre quelqu’un en affection. Ablanc. L’affection des hommes a coutume de changer avec la fortune. Ce père a une ardente affection pour ses enfans. L’affection conjugale est plus forte que la paternelle. Il faut pourtant remarquer sur ce mot, pris dans le sens de bienveillance & d’amitié, qu’il n’y a que les Grands qui s’en puissent servir à l’égard de leurs inférieurs. Ce Prince témoigne une affection toute singuliére aux personnes qui s’attachent à lui, & qui le servent fidèlement. Alexandre prenoit le mérite en affection. Ablanc. Il y a des Auteurs qui prétendent qu’on s’en peut servir d’égal à égal ; mais il faut que ce soit avec ménagement, & lorsque l’on est dans une grande familiarité. Une affection parfaite vaut mieux que toutes choses. Voit. Penser à Dieu autant qu’on le peut, refuser son cœur à tout ce qui n’en est pas digne, & lui en donner tous les sentimens & toutes les affections, c’est une conduite très-simple, qui peut cependant plus qu’aucune autre élever les ames à ce que l’Evangile de Jesus-Christ a de plus grand. Ab. de la Tr.

Affection, signifie aussi une inclination qui nous porte à une chose plutôt qu’à une autre. Propensio, proclivitas. Cet homme a mis toute son affection à l’étude. Loin d’ici cette dévotion vaine & frivole, qui laisse vivre au-dedans les désirs, & les affections du siècle. Flech.