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viij PREFACE


du goût constant du Public, on seroit plus en état de donner à l'Ouvrage toute la perfection, dont il est capable, ou du moins d'en approcher.

Dans la suite, quand on a cru qu'il étoit temps de penser à l'édition nouvelle, tant de personnes habiles s'y sont intéressées, & l'ont fait si efficacement, qu'après la rapidité avec laquelle la première Edition fut enlevée, rien ne fait plus d'honneur à ce Livre, & ne montre mieux combien on l'estime, que le zele avec lequel on s'est porté à le corriger & à contribuer à le rendre plus accompli.

On a reçû de tous côtés des corrections, des additions, des avis, des remarques.

Le premier soin a esté de rassembler tous ces Mémoires, de les examiner avec exactitude, & d'y étudier le goût du Public. On a eu le plaisir de voir qu'il s'accordoit parfaitement avec le plan qu'on avoit suivi dans la première Edition ; & que les Critiques même qu'on en faisoit, étoient un éloge du bon goût & des vûes excellentes du Prince, qui en avoit prescrit & tracé le dessein, & sous les auspices duquel on n'avoit fait que l'exécuter. Car si l'on y a trouvé quelque chose à redire, c'est que ce dessein n'a pas été rempli dans toute l'étenduë que S. A. S. l'avoit conçû : on demandoit tous les termes des Arts, même inusitez : tous ceux des plus vieilles coûtumes avec des exemples : tous les noms des Ordres, tant réguliers que seculiers & militaires. Tous ceux des Astres & des Etoiles, dont l'Astronomie se sert, fussent-ils tirez du Latin, du Grec ou de l'Arabe ; ceux de l'Astrologie judiciaire ; ceux des Factions, des Sectes, des Religions, des Divinités fabuleuses, de tous les Peuples : leurs cérémonies, leurs rites, leurs sacrifices, leurs fêtes sacrées, civiles, ou politiques ; leurs combâts & leurs jeux ; leurs mois, leurs cycles, les noms des jeux, & les termes dont on se sert en les jouant ; les noms des animaux, & des plantes, même étrangeres, quelque barbares qu'ils soient ; & généralement tous les termes de relations : les noms de certains Livres fameux ; ceux des places & des lieux publics ; les noms propres d'hommes, leurs diminutifs, & tous les changemens que le peuple y fait dans l'usage ordinaire ; enfin outre les termes généraux de Géographie ; tous les noms propres de Royaumes, de Provinces, de Contrées, de Villes & autres lieux ; & une infinité d'autres choses qu'on a jugé qui manquoient à la premiere édition, & dont il seroit trop long de faire ici le dénombrement.

Quelque disposé que l'on fût à se conformer aux desirs des gens habiles, qui donnoient ces avis, on n'a pas cru les devoir toujours suivre aveuglément & sans examen. On a déliberé quelque temps sur plus d'un article, & en particulier sur les deux derniers, qui regardent les noms propres d'hommes & de lieux ; mais enfin on s'est rendu au parti qui nous étoit proposé, parce qu'on a cru le voir appuyé de raisons sans replique.

En effet, bien que nous ayons plusieurs Dictionnaires, où ces deux especes de noms ne se trouvent point, il en est pourtant un plus grand nombre encore en toutes Langues, si vous en exceptez peut-être le Grec, dans lesquels on a donné place, au moins en partie, à ces sortes de mots. Robert Estienne, qui les avoit exclus des premières Editions de son Tresor de la Langue Latine, en a fait entrer plusieurs dans l'édition de Lyon, la plus ample & la plus estimée de ce grand Ouvrage. Quant aux Dictionnaires des Langues modernes, il en est peu où les noms propres, surtout de lieu, n'aient été mis ; pourquoy donc manqueroient-ils dans celuy-cy ? blâmeroit-on dans ce livre ce que l'on approuve & que l'on estime si utile dans beaucoup d'autres ?

Ainsi, autorisez par l'exemple à prendre le parti que nous avons suivi, nous avons crû trouver encore dans la raison des motifs plus forts de nous y déterminer. En effet les noms propres n'ont-ils pas leurs significations, leur étymologie, leur orthographe, leurs variations, leurs nombres, leur usage & leurs difficultez, comme tous les autres ? Ils sont donc aussi du ressort de la Grammaire. Ne doit-on pas sçavoir comment il faut les traduire des autres Langues, & les exprimer dans la nôtre ? Y auroit-il une moindre faute à dire Stephane ou Estephane pour Estienne, Ægide ou Ægidie pour Gilles, Vedaste pour Vaast, Noviorege pour Royan, Rotomage pour Rouen, Cadom pour Caën, qu'à faire quelque semblable barbarisme dans les mots voir, connoître, faire écrire, & autres semblables ? Est-il moins nécessaire de savoir la signification, l'usage, l'orthographe d'une infinité de mots d'art


singuliers,