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x PREFACE


qui dépendent de la connoissance de ces mots, & dans lesquels ils entrent, comme on le peut voir aux noms, CELERIN, GILLES, GILLETTE, BASQUE, CAORSIN, MANSEAU, NORMAND, GASCON, ORLEANS, BERRY, NORMANDIE, &c.

On dira peut-être au regard des noms de lieu, que nous avons des Dictionnaires de Géographie où ils se trouvent. Mais outre que ces Livres n'entrent point ou presque point dans ce qui concerne la Grammaire, nous avons aussi des Dictionnaires des Arts en général, & en particulier des Dictionnaires d'Antiquités, de Marine, de Droit, de Musique, de Philosophie hermétique, de Manege, de Mathématiques, d'Agriculture, &c. Exige-t-on moins pour cela que tous les termes de ces Arts se trouvent rassemblez dans un Dictionnaire Universel ? Et n'est-ce pas parce que le Dictionnaire de Trevoux les comprend & les explique exactement tous, qu'il a été si recherché, quoiqu'on eût déja tous ces autres Dictionnaires particuliers ?

Enfin c'est principalement par la connoissance des noms propres, que l'on apprend bien les origines, & les principes d'une Langue, & que l'on se rend habile dans la science des étymologies. On ne sait souvent d'où viennent les autres mots, on ne peut douter de la source de ceux-ci. On voit quelles sont les lettres que l'usage y change, en quoi il les change, celles qu'il retranche ou qu'il ajoûte ; c'est là principalement qu'on remarque son art, sa méthode, &, si je puis ainsi parler, ses allures & ses façons de faire ; de quelle maniere il travaille sur les mots ; comment il les fond & les refond, les moule, les façonne, & se les approprie. Ainsi tout conspire à montrer qu'il ne faut point omettre les mots dont nous parlons.

Véritablement quelques Auteurs, je ne sai par quelle mauvaise délicatesse, ou par la vaine crainte de s'opposer à une coutume qu'ils ont trop respectée, parce qu'ils l'ont peut-être crû plus générale & plus raisonnable qu'elle n'est en effet, n'ont osé donner place dans le corps de leurs Ouvrages à cette partie de la Langue qu'ils enseignent. Persuadez pourtant qu'ils ne la devoient pas oublier, ils ont fait des listes des noms propres d'hommes & de lieu, & comme un second Dictionnaire qu'ils ont placé à la fin du premier. Mais à quoi bon ce nouveau Dictionnaire ? Si ces mots sont étrangers à la Langue, pourquoi ne les pas rejetter tout-à-fait ? s'ils ne le sont pas, & s'ils ne doivent pas être oubliés, pourquoi ne les pas ranger dans leur ordre naturel ? Quelle nécessité de donner au Lecteur l'embarras de chercher en deux endroits différens, & quelquefois en divers volumes, ce qu'il devroit trouver dans la même page ?

Telles sont à peu près les raisons qui nous ont persuadé qu'on avoit droit de nous demander ces augmentations, & que le Public ne le désagréeroit pas. Peut-être même nous saura-t-il moins de gré de la peine que nous nous sommes donnée pour lui ramasser ce que nous lui présentons en ce genre, qu'il ne nous blâmera de ne lui en donner pas davantage. Car après tout, nous n'avons pas crû devoir embrasser généralement tous les noms propres, ni déférer entierement à l'opinion de quelques-uns de ceux qui ont envoyé des Mémoires, & qui eussent voulu, ce semble, qu'on eût recueilli jusqu'aux noms des moindres Villages, & des plus petits lieux. Nous avons pris un milieu qui nous a paru plus raisonnable. Pour les noms propres d'hommes & de femmes, à moins qu'il n'y eût d'ailleurs quelque chose qui nous engageât à ne les point omettre, nous avons exclu presque tous ceux, sur lesquels notre Langue n'a point exercé son empire ; c'est-à-dire, ceux qui s'y conservent tels qu'en Latin, ou dans les autres Langues, ou qui se changent si peu, qu'il est difficile qu'on s'y trompe, & qu'on ne les forme bien. Et quant aux noms de lieu, nous ne donnons guère que ceux qui ont quelque chose de remarquable, & qu'il est utile de connoître, ou pour l'antiquité, ou pour nos temps.

Que dirons-nous des noms Grecs, Latins, & autres, que la Grammaire, la Mathématique, la Poëtique, la Rhétorique, la Médecine, l'Anatomie, la Botanique, les Antiquaires, & presque tous les Arts libéraux, se sont donnez ? S'il faut fermer l'entrée de nos Dictionnaires à tous ces mots, parce qu'ils sont tirez de quelque langue étrangere, combien en faudra-t-il rejetter d'autres ? Toute notre Langue, ou plutôt, toutes nos Langues aujourd'huy ne sont-elles pas chacune