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dans un profond abaissement. Ce triste abaissement convient à ma fortune. Racine.

ABAISSER. verb. actif. Faire descendre en bas. ou diminuer de la hauteur. Deprimere. Abaissezr les voiles, Abaisser les fumées du vin. Abaisser ce mur. Abaisser ce luth d'un ton, d'un demi-ton. Abaisser la voix. Nicod.

Abaisser, signifie aussi, Diminuer le prix. Minuere. Le bon ordre de la police a fait abaisser le prix du blé ; c’est-à-dire, qu’il est diminué. Ce mot en ce sens n’est pas du bel usage ; il faut dire rabaisser. Voyez Rabaisser.

On s’en sert figurément dans le même sens. L’envie abaisse par ses discours les vertus qu’elle ne peut imiter. S. Evr. Abaisser la majesté du Prince. L’usage, comme la fortune, chacun dans leur jurisdiction, éleve ou abaisse qui bon lui semble. Vaug. Les grands noms abaissent, au lieu d’élever ceux qui ne savent pas les soutenir. Rochef.

Abaisser, signifie aussi en morale, Ravaler l’orgueil de quelqu’un, le mortifier. Abjicere, reprimere, contundere. Les Romains se vantoient d’abaisser les superbes, & de pardonner aux humbles. S. Evr. C’est ce que Virgile fait dire par Anchise dans le 6e Livre de l’Enéide.

 
Tu regere imperio populos, Romane, memento…
Parcere subjectis, & debellare superbos.

Abaisser l’orgueil de Carthage. Vaug. Il faut abaisser les esprits hautains. S. Evr. La crainte trouble & abaisse l’esprit. M. Scud. c’est-à-dire, qu’elle le relache & l’avilit.

En termes de fauconnerie on dit, Abaisser l'oiseau, lors qu'ayant trop d'embonpoint, on lui ôte quelque chose de son pât ordinaire, pour le mettre en état de bien voler.

Abaisser, en termes de Jardinage, signifie couper une branche près du tronc.

Abaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie alors s'humilier, se soumettre, se ravaler. Abjicere se. Il faut s' abaisser devant la Majesté divine. S' abaisser à des choses indignes. S’abaisser jusqu'aux plus lâches complaisances. L'humilité n'est souvent qu'un artifice de l'orgueil, qui ne s’abaisse que pour s'élever. Rochef. On le dit encore par respect d'une personne éminente en dignité, lorsqu'elle semble rabattre de sa grandeur, en descendant jusqu'à des personnes fort inférieures. Le Prince s'est abaissé jusqu'à moi, en prenant soin de ma fortune. P. de Cl. Les Grands ne s'élèvent jamais plus haut que lorsqu'ils s'abaissent, dit Costar, en écrivant à Madame Servien. Il avoit tiré ce passage du Panégyrique de Pline : Scilicet qui verè maximi sunt, hoc uno modo possunt crescere, si seipsi submittant, securi magnitudinis suae. De Roch. Il signifie aussi la complaisance, ou l'adresse par laquelle on se conforme, & on se proportionne à la compréhension foible & bornée de ceux à qui on parle. Un Prédicateur habile sait s’abaisser à la portée de ses auditeurs. C'est quelquefois un artifice de l'orgueil de s’abaisser avec excès, pour s'attirer des louanges. M. Scud. Pline dit en parlant de la bonté de Trajan, qu'il se familiarisoit avec ceux qui l'approchoient : Celui qui tient la première place n'a qu'une voie pour s'élever, c'est de s’abaisser lui-même ; parce que les Grands n'ont rien moins à craindre que de se ravaler en s’abaissant de la sorte. Bouh.

Abaisser, avec le pronom personnel, veut dire quelquefois s’affaisser Subsidere. La terre s'est affaissée : ou décroître. La riviére s’abaisse ; le vent s'est abaissé.

Abaissé, ée, participe passif. & adjectif. Depressus.

Abaissé, en termes de Blason, se dit du vol des aigles, & du vol en général des oiseaux, dont la représentation ordinaire est d'être ouvert & étendu, en sorte que le bout de leurs ailes tende vers les angles ou le chef de l'Ecu : mais lorsque ce bout est en bas, & vers la pointe de l'Ecu, ou que les ailes sont pliées, on l'appelle Vol abaissé.

On dit aussi, un chevron, un pal abaissé, une bande abaissée, quand la pointe finit au cœur de l'Ecu, ou au dessous, & ne monte pas plus haut. On dit aussi qu'une pièce est abaissée, lors qu'elle est au-dessous de sa situation ordinaire, comme le chef, la fasce, &c. Et ainsi les Commandeurs de Malte qui ont des chefs dans leurs Armoiries, sont obligés de les abaisser sous celui de la Religion.

ABAISSEUR. adj. m. est un épithète que les Médecins donnent au second muscle des yeux, qui les fait mouvoir en bas, & fait regarder la terre. On l’appelle aussi l’Humble, humilis. Dionis.

ABALOURDIR. v. a. Vieux mot, & hors d’usage, qui signifioit autrefois, Abrutir, rendre stupide. Hebetem reddere. Il se trouve dans plusieurs Coutumes.

ABANA, s. f. Abana. 4° Reg. v. 12. Riviere de Syrie, qui prend sa source dans le Liban, arrose les murs de Damas du côté du Midi & de l'occident, & va se jetter dans la mer de Syrie. A l'en-


droit de l'Ecriture que j'ai cité, elle est appellée Rivière de Damas, aussi-bien que le Pharphar. Au reste, quoique le texte Hébreu porte אגגת, Abana, aussi-bien que la Vulgate, cependant le Keri, ou Variante, Porte אסגת, Amana, & les Septante l'ont ainsi écrit, Άμαρά : ce que le P. Montfaucon n'a point remarqué.

ABANDON, s. m. Mépris, délaissement de quelque chose. Derelictio, destitutio. Neglectus rei alicujus. Il n'est point du bel usage. On ne le trouve guère que dans Moliere, lequel dit, en parlant des coquettes qui renoncent par nécessité au monde qui les quitte :

Dans un tel abandon leur sombre inquiétude.
Ne voit d'autre recours que le métier de Prude.

Il n'est supportable en ce sens qu'en termes de pratique. Le débiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses créanciers. Abandonnement vaux mieux.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d'une ame désintéressée, qui s'abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n'est que l'abnégation ou renoncement de soi-même Fenel. Les Quiétistes ont abusé de ce terme dans un sens impie & très justement condamné. Tout bon Mystique est toujours bon Chrétien, & par conséquent son abandon ne va jamais jusqu'à l'indifférence pour son salut, ni au mépris des bonnes œuvres, ni à la négligence dans le service de Dieu, &c. Les excès sont détestables, & bien éloignés du louable abandon que les saints Mystiques ont enseigné & pratiqué.

Abandon, se dit d'ordinaire adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. Direptioni permittere, dare. On a dégarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s'en sert peu, excepté dans le discours familier : mais il n’est pas assez noble pour le style élevé. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité, disant que bandum se prenoit souvent pour arbitrium, pro re de relicta ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c'est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, & la laisser à quiconque voudra s'en emparer.

ABANDONNEMENT, s. m. Délaissement, cession de biens, de terres, &c. Desertio, derelictio. L'héritier bénéficiaire est déchargé envers les créanciers par l’abandonnement des biens de la succession. G. G. L’abandonnement d'héritages n'est pas semblable au déguerpissement : car l’abandonnement d'héritages se fait par le tiers détenteur assigné en déclaration d'hypothèque, pour s'exempter de payer la dette à laquelle l'immeuble qu'il possède est hypothéqué. Le déguerpissement au contraire ne se doit faire par le détenteur que lorsqu'il ne veut point reconnoître le cens, ou passer titre nouveau d'une rente foncière, & d'autres charges réelles de pareille nature. Voyez Loyseau, de la Distinction des Rentes, Liv. I. L'abandonnement de biens rend un homme quitte envers ses créanciers, sans qu'ils puissent rien prétendre aux biens qu'il pourroit acquérir dans la suite. Il signifie encore l'état d'une personne dont le monde s'éloigne. Dans la désertion, & l’abandonnement général de ses amis, il se livre tout entier aux chagrins & aux réflexions de la solitude. S. Evr.

Il se met aussi pour résignation, vertu par laquelle nous nous remettons de tout entre les mains & à la conduite de Dieu. A moins d'un abandonnement entier dans la main de Dieu, la vie se passe dans le mécontentement & dans l'amertume, Ab. d. l. Tr.

Il signifie, Débauche, prostitution, quand il est mis sans régime. Le pécheur est dans un grand abandonnement, lors qu'il ne sent plus de remords.

Abandonnement est aussi un contrat maritime qui se fait lors qu'un Marchand, ou autre particulier, à qui appartiennent des marchandises chargées sur un vaisseau, les abandonne au profit de l'assureur.

ABANDONNER, verb. act. Laisser à l'abandon. Derelinquere, deserere. Dieu n'abandonne jamais les siens au besoin. On a abandonné cette ville au pillage. Il a abandonne le soin de son honneur. Dans les plaisirs on abandonne son cœur & son esprit, on se découvre tout entier. P. de Cl. c'est-à-dire, qu'on s'y montre avec moins de précaution, & c'est là qu'on connoît les mœurs & les inclinations des gens. Le mérite ne sert de rien quand il est abandonné de la fortune. [[sc|B. Rab.}} C'est le génie de l'erreur, qu'aussi-tôt qu'elle se sent pressée, elle reprend ce qu'elle avoit abandonné. Péliss.

Il signifie encore livrer en proie. La ville fut abandonnée à la fureur du Soldat. Elle n'ose abandonner son cœur à l'amour. M. Scud.

Abandonner au bras séculier, c'est Renvoyer un Ecclésiastique devant des Juges laiques, pour donner une Senten-


[[Alinéa|ce|0|29}}