Page:Trevoux - Dictionnaire, 1732, T01, A.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11 ABA ABA 12


ce de condamnation à peine afflictive sur un cas privilégié.

On le dit aussi de l'Inquisition. Lorsqu'elle a prononcé sur le crime d'hérésie, elle livre les coupables au bras séculier, parce que l'Eglise n'ayant point la puissance temporelle pour infliger la peine de mort, elle implore le secours du Juge temporel, qui ne manque point d'exécuter les Arrêts du saint Office. C'est ce qu'on appelle abandonner au bras séculier.

On l'employe avec le pronom personnel pour exprimer un homme qui est entraîné par ses passions, qui en est devenu l'esclave, qui s'y prostitue absolument. Tradere se, committere se. Quand les gens austères viennent à goûter les voluptés, alors la nature lasse des peines, s’abandonne aux premiers plaisirs qu'elle rencontre. S. Evr. Il s’abandonna à la tristesse & à son désespoir. Il s'est abandonné à la colère & à ses désirs. On dit aussi s’abandonner à la Providence, s’abandonner à la fortune, pour dire se confier à la Providence, à la fortune, & attendre tout de Dieu, ou du hazard & du bonheur. S’abandonner à la joie ; c'est-à-dire, en goûter tout le contentement, & en ressentir tous les plaisirs. S’abandonner à l'oisiveté ; c'est-à-dire, s'éloigner absolument de toutes les affaires, sans vouloir s'occuper d'aucun des exercices honnêtes de la vie. Il faut s’abandonner à son feu, & ne rien refuser de ce que l'imagination présente. Bouh. Il se trouvoit malheureux d'être abandonné à lui-même, & à ses propres pensées, sans avoir quelqu'un qui pût le plaindre, & lui donner de la force. P. de Cl. Il est plus sûr de s'arrêter à l'autorité de l'Église, que de s’abandonner aux foibles efforts de notre misérable raison. Nicol.

Abandonner, signifie encore, Quitter, jetter là. Abjicere. Il abandonna ses armes.

Abandonner, signifie encore, Quitter un lieu, en sortir. Deserere. Il a abandonné le Pays. On lui fit abandonner la Ville.

Abandonner, signifie encore, Laisser, donner. Dans une Traduction en Prose, où l'on abandonne tous les termes de la Langue au Traducteur, il demeure souvent au-dessous de l'Original. S. Evr. Je vous abandonne cette affaire, je vous en laisse le maître. Je vous abandonne à vous même & à votre propre conduite.

Abandonner, signifie encore, Exposer, commettre à. Abandonner quelqu'un à la haine publique. S’abandonner au danger de perdre la vie pour la Religion.

Abandonner, signifie aussi simplement, Quitter, laisser, renoncer à quelque profession ou à quelque personne. Abandonner une entreprise. Son crédit & sa réputation l'ont abandonné. Les plus sages ne sont pas toujours maîtres d'eux-mêmes, & il y a des momens où leur discrétion les abandonne, c'est-à-dire, qu'elle les quitte, ensorte qu'ils se laissent aller à l'impatience de parler. Ce Marchand a abandonné le commerce. Ce Magistrat a abandonné les affaires pour vivre dans la retraite. Les personnes vaines abandonnent aux ames communes le mérite d'une vie suivie & commune. La Bruy.

Mainte veuve souvent fait la déchevelée,
Qui n'abandonne pas le soin du demeurant. La Font.

Dans ce sens il se dit de la résignation que nous faisons à Dieu de nous-mêmes & de tout ce qui nous touche. Il faut s’abandonner la Providence, à la conduite, à la bonté de Dieu. Il abandonne tout à la Providence. Il a abandonné sa vie, son honneur, entre les mains de Dieu. On dit en termes de Fauconnerie, Abandonner l'oiseau ; pour dire, le mettre libre en campagne, ou le congédier tout-à fait, & s'en défaire entierement.

On dit proverbialement, N’abandonnez pas les étriers ; pour dire, servez-vous bien des avantages que vous avez, ne les quittez point. Utere fortuna.

Abandonné, ée. part. pass. & adject. Derelictus, destitutus, permissus. Le mérite ne sert de rien quand il est abandonné de la fortune. B. Rab. Biens abandonnés. L'amitié généreuse court aux personnes abandonnées, pour essuyer leurs larmes. M. Esp. Il faut que vous soyez les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais. Pasch. En ce sens, il signifie, des gens déterminés, & qui ne gardent aucunes mesures pour noircir la réputation d'autrui.

On dit absolument au subst. C'est un abandonné ; pour dire, un homme perdu & débauché, qui ne donne point d'espérance de conversion. Corruptus, depravatus. On dit aussi une abandonnée ; pour dire une fille prostituée. Je ne veux point brûler pour une fille abandonnée. Mol.

On dit aussi Abandonné des Médecins ; pour dire, que la guérison de quelqu'un est désespérée. Un homme abandonné, signifie un homme sans appui & sans secours. Abandonné à son sens réprouvé. C'est une expression de l'Ecriture, pour désigner un homme qu'on laisse à ses égaremens, & à la perversité de son cœur. On ne doit pas attendre des lumières bien pures, de ceux


que Dieu a abandonnés aux ténèbres inséparables des grands crimes. Nicol. On dit aussi, qu'une cause est abandonnée, pour dire, qu'elle est déplorable & insoutenable.

ABANTES. s. m. & plur. Abantes., peuples de Thrace, qui passerent en Gréce, & y bâtirent une ville qu’ils nommerent Abée, dont nous avons parlé. Xerxès l’ayant ruinée, ils se retirerent dans l’île de Négrepont, qu’ils nommerent Abantide. Ils ne laissoient croître leurs cheveux que par derrière, de peur que leurs ennemis ne pussent les prendre par devant, & les terrasser. Ils tenoient, dit-on, cette coutume des Curétes, qui s’étoient établis avant eux dans la même île. Boch. Chanaan, L. I. C. XIII. prétend qu’Abantes & Eubéen signifie la même chose ; l'un en Grec & l'autre en Phénicien. Eubéens en Grec, signifie celui qui nourrit & engraisse des bœufs, de נ βόζ & Abas, אכם, en Hébreu, signifie engraisser. Il ne faut point confondre les Abantes avec les Abéates. Voyez ce mot.

ABANTÉENS. Abantæi. Les peuples d’Argos sont ainsi appellés dans Ovide, Met. XV. v. 164. du nom de leur Roy Abas.

ABANTIDE. subst. fem. Abantis. C'est le Négrepont. Voyez Abantes. Il semble qu'en François il faut dire Abantide, & non Abantis, comme fait Maty. Car les noms Latins & Grecs en is, dont le génitif est en idis, nous les avons terminés en ide, les formant du génitif. Ainsi de Colchis, nous avons fait Colchide, de Propontis, Propontide, de Mareotis, Maréotide, &c. Aussi, si nous n'avions que l'autorité de Maty, nous douterions moins ; mais M. Corneille met Abantide, ou Abantis. Après tout, cela ne fait point encore l'usage, & lui-même, dans le même endroit, a dit Thesprotide de Thesprotis.

On appelle aussi Abantide un pays de l'Épire, ou les Abantes furent jettés, aussi-bien que les Locriens, après la prise de Troye, & où ils s'établirent. Voyez Pausanias.

ABAQUE s. m. Abacus. Terme d’Architecture. C’est la partie supérieure, ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Il est quarré au Toscan, au Dorique, & à l’Ionique antique, & échancré sur ses faces aux chapiteaux Corinthien & Composite. Dans ces deux ordres, dit Harris, ses angles s’appellent cornes, le milieu s’appelle balai, & la courbure s’appelle arc, & elle a communément une rose en sculpture au milieu. Les ouvriers, dit Mauclerc, appellent aussi Abaque un ornement Gothique, qui a un filet ou chapelet, lequel est la moitié de la largeur de l’ornement, & que l’on nomme le filet ou chapelet de l’abaque. Harris. Dans l’ordre Corinthien l’abaque est la septième partie de tout le chapiteau. Id. Andrea Palladio appelle Abaque la plinthe qui est autour de l’ove, ou quart de rond appellé Echine. Il sert comme de couvercle à la corbeille ou panier de fleurs qu’elle représente. On l’appelle autrement Tailloir, parce qu’étant quarré, il ressemble aux assiettes de bois, qu’on nomme Tailloirs. Il se met en plusieurs sortes d’endroits. Ce mot vient du Grec ἄϐαξ, qui signifie Buffet, crédence ou table. Étienne Guichard remonte plus haut, & tire Abacus & ἄϐαξ de l’Hébreu אכך, extolli, elevari, être élevé : de sorte que abaque signifie proprement une chose élevée pour servir de siége, & répositoire de diverses choses : ou bien de אבף terre, poussière bien menue, parce que l’abaque étoit une table où l’on étendoit de la poussière bien menue, sur laquelle les Mathématiciens traçoient leurs figures.

ABARE. s. m. Abaricus. Nom de peuple. Voyez Avare. M. de Cordemoy & le P. Daniel écrivent Abares. C’étoient les restes de la nation des Huns. Sigebert ayant appris les courses du Roi des Abares, alla au-devant de lui dans la Thuringe. La seule figure de ces Huns avoit de quoi épouvanter des gens moins intrépides que les François. Ils étoient pour la plûpart d’une taille qui approchoit de la gigantesque, d’un regard farouche, & d’une laideur à faire peur. Ils avoient de grands cheveux rejettés sur les épaules, séparés avec des cordons & par tresses, qui rendoient leurs têtes assez semblables à celles de ces Furies qu’on nous dépeint toutes hérissées de serpens. P. Dan.

ABAREMO-TEMO. s. m. Arbre du Brésil. Il est d’une hauteur médiocre ; il croît sur les montagnes ; ses feuilles sont d’un vert triste & petites ; il jette des gousses d’un rouge noirâtre, courbées en différentes manières. Son écorce est couleur de cendre ; le bois au-dedans est d’un rouge foncé. On attribue à ses feuilles des qualités astringentes. Son écorce, qui est amère, quand on la réduit en poudre, ou qu’on la fait bouillir, sert à faire des fomentations, qui guérissent les ulcères invétérés, & même les cancers. Pisor.

ABARIM. s. m. Mons ou Montes Abarim. Vulg. Montagne de l’Arabie, à l’orient du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho, dans le pays des Moabites. C’est l’avant dernière station des Israëlites dans le désert, & le lieu d’où Moyse vit la Terre-promise. {Nombres XXVII. & où il mourut. Deut. XXXII. Une de ces monta-


tagnes