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peut fermer avec des pales ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coutume de Loris, Chap. X. Ce mot peut venir de baie, ouverture. Foramen.

AbBESSE : c'est le nom qu’on donne à une Religieuse qui est Supérieure d’une Abbaye. Abbatissa. Les Abbesses ont les mêmes droits sur leurs Religieuses, que les Abbés Réguliers ont sur leurs Moines, parce qu’elles sont revêtues de la même dignité. Leur sexe ne leur permet pas à la vérité de faire les fonctions spirituelles qui sont attachées à la Prêtrise ; mais il y a des Abbesses qui ont droit, ou plutôt un privilége, de commettre des Prêtres pour ces fonctions. Elles ont même une Juridiction comme Episcopale, aussi-bien que quelques Abbés Réguliers qui sont exempts de la juridiction de leurs Evêques. Voyez Exemption. Autrefois les Abbesses étoient électives : aujourd’hui le Roi les nomme toutes : ce n’est pas en vertu du Concordat, car il n’y en est pas fait mention. François I & Henri II ont obtenu des Indults pour nommer les Abbesses. Aujourd’hui les Bulles que le Pape donne pour les Abbesses, portent, que le Roi a écrit en faveur de la Religieuse nommée, & que la plus grande partie de la Communauté a consenti à son élection. Cela se fait pour conserver une image de l’ancien usage. Pinson. Le P. Martene, dans son Traité des Rits de l’Eglise, dit que quelquefois les Abbesses ont entendu les confessions de leurs Religieuses : il le prouve par les actes de la vie de sainte Burgondofere. Il ajoute que quelques Abbesses s’étant attribué en cela plus d’autorité qu’il ne convenoit, on avoit été obligé de réprimer leur vanité ou leur curiosité. On lit dans le Droit oriental, que Marc, Patriarche d’Alexandrie, consulta Balsamon, pour savoir si un Evêque devoit accorder aux Abbesses la permission qu’elles demandoient, d’entendre les confessions de leurs Religieuses ; à quoi Balsamon répondit que non, quoique saint Basile, dans ses petites Regles, permît aux Abbesses d’entendre avec un Prêtre, les confessions de leurs Religieuses. Saint Césaire, Evêque d’Arles, a écrit une Regle pour le Monastère de sainte Césaire sa sœur, où il y a de fort beaux Reglemens par rapport aux Abbesses. Elle se trouve dans Bellandus, Tome I. p. 730. & suiv. C’étoit une coutume assez ordinaire dans la seconde Race de nos Rois, de faire les filles des Rois Religieuses & Abbesses. P. Dan. Selon le Concile de Trente, Sess. 25. Chap. VII. les Abbesses doivent être élues en présence de l’Evêque ou d’un autre tenant sa place, du Corps, s’il se peut, du Monastère, âgée de quarante ans, ou au moins de trente, ayant huit, ou au moins cinq années de profession. Une même Abbesse ne peut régir deux Monastères. Les François fonderent autrefois des Abbayes sans qu'il leur en coûtât beaucoup : on cédoit à des Moines autant de terres incultes qu'ils pouvoient en mettre en valeur. Ils travailloient à dessécher, à défricher, à bâtir, à planter, moins pour être plus à leur aise, que pour en soulager les pauvres. Ces lieux arides & déserts devinrent agréables & fertiles. Il y avoit des Abbés si riches, qu'ils pouvoient mettre une petite armée sur pied : ce qui fit qu'on les invita aux assemblées du Champ de Mars, & aux Cours plenières. Le Gendre.

ABBEVILLE. Abbavilla, Abbatisvilla. Nom d'une ville de France, capitale du Comté de Ponthieu, dans la Picardie, situé sur la Somme, environ à cinq lieues de son embouchure, patrie des deux Sansons, célébres Géographes. Son nom, qui signifie Maison de campagne de l’Abbé, lui vient de ce que ce n’étoit autrefois qu’une maison ou ferme qui appartenoit à l’Abbé de saint Riquier. Hugues le Grand l’ôta aux Moines de cette Abbaye, dit Hariulphe, L. IV. c. XII. pour en faire un château qui arrêtât les courses des Barbares : il en donna le commandement à Hugues son gendre, qui après la défaite & la mort du Comte de Boulogne, épousa la Comtesse Adelaja sa femme, & prit le titre de Comte, qu’il laissa à sa postérité. Ce fut sous ces Comtes qu’Abbeville, de simple ferme, devint une ville. L'Histoire Ecclésiastique d'Abbeville & de l'Archidiaconé de Ponthieu en François a été faite par le P. Ignace Jos. de Jesus-Maria, Carme Déchaussé. Il y a à la fin un Catalogue des Auteurs d'Abbeville & de l'Archidiaconé de Ponthieu. A Paris, 1646. in 4°. Les Mémoires de l'Académie des Sciences donnent à Abbeville pour longitude, 19. 30'. pour latitude, 50. 5'.

AbBOI, s. m. On disoit autrefois abay. Le cri d’un chien. Latratus. Ce mot est factice & formé sur le son des chiens qui crient, ou abboyent. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. L’abboi des mâtins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d'étrange autour de la maison. Au premier L’abboi que fait le limier, le loup sort de son liteau. Salin.

On dit proverbialement, Tenir quelqu’un en Abboi ; pour dire, Repaître de vaines espérances.

Aboi, se dit aussi de l’extrémité où est réduit le cerf sur ses fins ; car alors on dit, qu’il est aux abbois, qu’il ne peut plus courir,


qu’il manque de force & de courage. Ultima cervi deficientis necessitas. On ne s’en sert dans ce sens qu’au pluriel.

AbBOYEMENT. s. m. Le cri du chien. Latratus. Les longs & affreux abboyemens des chiens ont troublé mon sommeil.

AbBOYER, ou abbayer. v. n. Qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens abboyent quand ils sentent des Larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien abboye les passans.

Le chien, qui de ses cris bat ces rives désertes,
Retint prêt d’aboyer ses trois gueules ouvertes.

dit Sar. sur la descente d'Orphée aux enfers. Ce mot vient du Latin adbaudare. Ménag. ou de boare, Latin, qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en aboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu'ils s'attendent à quelque chose, qu'ils la desirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare'. Cet avare, cet ambitieux, abboie après cette succession, après cette Charge. Ce chicaneur abboie toujours après le bien d'autrui.

On le dit encore de ceux qui font crier après eux. Un Avocat demandant à quelqu'un qui lui disoit des injures, pourquoi m’abboies-tu ? Cet autre répondit, parce que je vois un voleur. Ablanc. Cet homme est si méchant, que tout le monde abboie après lui. Un Satyrique abboie après les vices. C'est un médisant qui abboie tout le monde. Ablanc.

Je suis par-tout un fat comme, un chien suit sa proie,
Et ne le sens jamais, qu'aussi-tôt je n’abboie. Boil.

Je tiens qu'originairement abboyer & abbayer sont deux mots différens, qu’abboyer s'est dit seulement au propre du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abbayer s'est dit au second sens figuré, & est composé de bayer ou béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment ; ce qu'on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l'affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l'un pour l'autre.

On dit proverbialement, Abbayer à la lune, pour dire, crier & pester inutilement contre une personne au-dessus de soi. On dit aussi, tout chien qui abboie ne mord pas ; pour dire, que ceux qui menacent souvent ne font pas grand mal.

AbBOYEUR. s. m. Latrator. Qui abboie. Un chien qui est un grand abboyeur est importun. On appelle abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboient devant lui sans l'approcher.

On le dit aussi singulièrement des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité : Voilà bien des abboyeurs. Il y a des abboyeurs à ses côtés. Abanc. Jamais bon chien n’abboie à faux ; pour dire qu'un homme sage ne menace pas sans raison, ou qu'un habile homme ne manque pas son coup.

AbBREUVER. v. act. Adoquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abbeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abbreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abbeuvré. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abbreuver, signifie aussi, Humecter & imbiber d'eau. Humectare, imbuere. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d'y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d'eau. La terre est abbreuvée par les pluies. Abreuver les prés, c'est les arroser, y faire venir de l'eau par le moyen des saignées. Les porosités des corps sont abbreuvées par des humeurs crues, épaisses, froides.

Abbreuver, v. act. terme de Vernisseur. On dit dans ce sens, que la première couche de vernis ne se met que pour abbreuver le bois.

Abbreuver, Terme d'Agriculture, faire entrer l'eau dans un pré. Les prés ont besoin qu'on les abbreuve. Nos prés n'ont pas besoin d'être abbreuvés, à cause des pluies fréquentes qui les arrosent. Liger. Il semble qu'on ne le dit que des prés.

Abbreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas


B ij il