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Page:Trevoux - Dictionnaire, 1743, T01, A.djvu/111

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ADO ADO


rend à Dieu ; adorer les reliques, les images, pour lesquelles on a seulement de la vénération.

Tu jouïs dans l’éternité
De ce soleil dont la clarté
Est sans couchant & sans aurore.
Ce feu seul te peut enflammer ;
Mais souviens-toi que je t’adore,
N’étant plus digne de t’aimer. Des Mar.

Il y a plusieurs passages, tant dans la Sainte Écriture, que chez les Écrivains Ecclésiastiques, où le mot d’adorer se dit seulement d’un simple honneur qu’on fait à quelqu’un, ou de la vénération qu’on a pour lui. La Reine Esther adora le Roi Assuérus. Le mot d’adorer, en sa plus étroite signification, & en sa première origine, ne signifie autre chose que porter la main à la bouche, Manum ad os admovere ; c’est-à-dire, saluer, faire la révérence, ou baiser les mains. Le Pape Saint Martin ayant envoyé quelques personnes de son Clergé à l’Exarque de Ravenne Callipas, qui étoit venu à Rome en 653, avec le Chambellan Théodore, & l’Armée de Ravenne ; l’Exarque les reçut dans le Palais, croyant que le Pape étoit avec eux ; mais ne l’y trouvant pas, il dit aux premiers du Clergé : Nous voulions l’adorer ; mais demain, qui est Dimanche, nous irons le trouver & le saluer. On voit ici les mots adorer & saluer employés indifféremment, & il y avoit long-temps que l’on disoit adorer l’Empereur. Fleury. L’adoration se prend en deux manières. Il y a celle que nous rendons à Dieu, seul adorable par sa nature, & qui s’appelle latrie. Il y en a une autre que nous rendons à cause de Dieu, à ses amis, & à ses serviteurs ; comme quand Josué & David adorèrent des Anges ; ou aux lieux & aux choses consacrées à Dieu, ou aux Princes qu’il a établis, comme quand Jacob adora Esaü, son frere aîné, & quand Joseph fut adoré par ses freres. Il y a aussi une adoration qui n’est qu’un honneur rendu réciproquement, comme entre Abraham & les enfans d’Hémor. Fleury, d’après Saint Jean Damascène. Le second Concile de Nicée, dans sa lettre à l’Empereur, Session sixième, explique ainsi le mot d’adoration. Adorer & saluer sont le même en Grec, προσϰυνεῖν & ἀσπαζεϑαι. Car dans l’ancien Grec ϰύνειν signifie, saluer ou baiser, & la proposition προς marque une plus forte affection. Nous trouvons la même expression dans l’Ecriture Sainte. Il est dit que David se prosterna sur le visage, & adora trois fois Jonathas, & le baisa. Saint Paul dit que Jacob adora le haut du sceptre de Joseph. Ainsi quand nous saluons la Croix, nous chantons : Nous adorons la Croix, Seigneur, & nous adorons la lance qui a percé votre côté ; ce qui manifestement n’est qu’un salut, comme il paroît en ce que nous les touchons de nos lèvres. Que si l’on trouve souvent l’adoration dans l’Ecriture & dans les Pères, pour le culte de latrie en esprit, c’est que ce mot a plusieurs significations : car il y a une autre adoration mêlée d’honneur, d’amour & de crainte ; comme quand ils disent : Nous adorons votre Majesté. (Les Pères parlent à l’Empereur). Il y en a une de crainte seule, comme quand Jacob adora Esaü. Il y en a une d’action de grâces, comme quand Abraham adora les enfans d’Heth. C’est pourquoi l’Ecriture voulant nous instruire, dit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, & ne serviras que lui seul. Elle met l’adoration indéfiniment, comme un terme équivoque, qui peut convenir à d’autres : mais elle restreint à lui seul le service λατρείαν, que nous ne rendons qu’à lui seul. Fleur, d’après le Concile.

Cependant quelques nouveaux Critiques ont prétendu que dans une version françoise de l’Ecriture, on ne devoit se servir du mot adorer, que lorsqu’il étoit parlé du culte qui se rend à Dieu seul. Il est vrai que le mot latin adorare, dans l’ancienne édition de la Bible, qui a été traduit par adorer dans les versions françoises, est de lui-même équivoque ; & l’équivoque vient du verbe Hébreu שחה schahha, qui simplement signifie se courber, se prosterner devant quelqu’un pour le saluer. M. Simon au contraire, dans sa réponse aux sentimens de quelques Théologiens de Hollande, Ch. 16, croit qu’on doit conserver toujours le mot d’adorer dans les versions françoises de l’Ecriture, comme un terme consacré & autorisé dans l’Eglise par un long usage. Il ajoute qu’il est facile de remédier à l’équivoque de ce mot par une simple note, & qu’il n’est pas possible de


retrancher entièrement les équivoques qui sont dans toutes les Langues, parce qu’il n’y a pas autant de mots, qu’il y a de choses : Res infinitæ, voces finitæ.

En effet, au Ch. 2 de Saint Mathieu, v. 2, où il est dit que les Mages vinrent pour adorer l’Enfant Jésus, il a ajouté cette note à la marge de sa version : le mot d’adorer signifie en général dans l’Ecriture, se mettre à genoux, ou se prosterner devant quelqu’un ; mais quand il est appliqué à Dieu, il signifie une véritable adoration. Sur le vers. 11 du même Chapitre, où il est dit que les Mages se prosternant, adorerent l’Enfant Jésus ; il ajoute cette autre remarque : c’est la manière de saluer qui étoit en usage dans une bonne partie de l’Orient, & plusieurs peuples l’observent encore aujourd’hui à l’égard de leurs Rois. On lit aussi sur ce même endroit, dans la version françoise de toute la Bible, imprimée à Anvers en 1534, avec privilége de Charles V, & l’approbation de quelques Docteurs de Louvain : les Hébreux usent souvent de ce mot adorer, pour honorer avec prosternation de corps, comme on fait encore aux Rois & aux Princes en Orient. Lorsqu’il s’agit du culte que les Mages rendirent à l’Enfant Jésus, on fait bien de garder le terme d’adorer, parce que les Mages, par leur culte reconnurent la Divinité de Jésus-Christ, & l’adorerent effectivement. Mais il ne faut pas pour cela garder dans les versions le terme d’adorer, par-tout où le Latin porte adorare ; le terme François est bien plus déterminé que le Latin ; & par conséquent il n’est pas permis de mettre indifférement l’un pour l’autre ; comme il seroit ridicule de mettre dans une version Françoise Concile, par-tout où le Latin porteroit Concilium ; & Eglise, par-tout où le Grec porteroit ἐϰϰλησία. C’est un défaut des premières versions, qu’on a rendues très-mauvaises à force de vouloir les rendre trop littérales. Voyez là-dessus la préface du Père Bouhours, sur sa Traduction du Nouveau Testament.

Il est vrai que les Grecs ont deux mots différens pour exprimer l’adoration qu’ils rendent à Dieu, & celle qu’ils rendent aux choses créées. Ils expriment ordinairement la première par le verbe λατρεύειν, & la seconde par προσϰυνεῖν. Ils se servent de ce dernier quand ils parlent de l’adoration des Images, de l’adoration du Livre des Evangiles, & de celle des saints Dons, c’est-à-dire, des symboles du Pain & du Vin, avant qu’ils soient consacrés. Voyez les mots Image, Evangile, Dons.

Adorer, signifie aussi hyperboliquement, avoir beaucoup d’amour, une soumission extrême, ou une admiration aveugle pour quelqu’un. J’adore jusqu’à vos dédains & vos rigueurs. S. Evr. On adore Virgile dans son Enéide. Je ne saurois adorer toutes vos fantaisies ; c’est-à-dire, je ne les respecte point ; je ne vous applaudis point aveuglément. Cette mère adore ses enfans ; c’est à-dire, Elle les aime éperduement. Les Courtisans adorent les Favoris & ceux dont ils attendent des bienfaits. L’audace est triomphante, & le crime adoré. Breb. Je ne vais point au Louvre adorer la fortune. Boil. C’est peu dire, je l’aime ; Elvire, je l’adore. Corn. Le mérite qui fait adorer les Princes, attire aux particuliers la haine & l’envie. Bouh. Louïs II. Prince de Condé se seroit fait adorer de tout le monde, s’il se fût un peu ménagé. Rochef.

 Et les Rois à genoux venoient de toutes parts,
Adorer la grandeur du Trône des Césars.

God.

 
L’absence ni le temps, je vous le jure encore,
Ne peuvent vous ravir ce cœur qui vous adore.

Racin.

 
Tonne, frappe, il est temps ; rends-moi guerre pour guerre,
J’adore en périssant la raison qui t’aigrit ;
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre ;
Qui ne soit tout couvert du sang de Jesus-Christ ?

Des Barraux.

On dit proverbialement, Adorer le Veau d’or ; pour dire, faire bien des soumissions à un homme sans mérite, en considération seulement de ses richesses ; par allusion au Veau d’or qu’adorerent les Israëlites.

Adoré, ée, part. pass.

ADOS. s. m. Terme de Jardinage. Terre élevée en talus contre une muraille bien exposée. On sème des pois & des féves sur un ados, pour les avancer plus qu’en pleine terre, parce que la réfléxion du soleil échauffe ces talus. Les lai-


tues