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rendu quelque service signalé à son maître.

Affranchir, signifie aussi, Délivrer. Liberare, solvere. S. Paul souhaitoit de mourir, pour être affranchi des misères de ce monde, & être avec Jesus-Christ. On ne peut être affranchi des devoirs, du joug du mariage, que par la viduité.

On affranchit une terre, un fief, en obtenant des lettres d’amortissement. Il est d’une ame grande & généreuse d’affranchir les Peuples d’une cruelle servitude. Vaug. On le dit aussi avec le pronom personnel. On ne cherche qu’à s’affranchir de la domination des Souverains. Ablanc. Les Hollandois se sont affranchis de la domination des Espagnols.

Vos invincibles mains.
Ont de monstres sans nombre affranchi les humains. Rac.

Par le Droit Romain on ne pouvoit affranchir un esclave avant l’âge de 18. ans.

Affranchir, se dit aussi au figuré en parlant des diverses passions qui nous agitent, & qui nous tiennent dans une espèce d’esclavage. L’Evangile nous a affranchi de la tyrannie du péché. Le fidèle est affranchi de toute crainte. Heureux qui s’affranchit du pouvoir de l’amour. Corn. On dit aussi dans le même sens, Etre affranchi du pouvoir de la fortune. Etre affranchi de soucis, de soins, d’inquiétudes, d’affaires, d’embarras, & généralement de tout ce qui peut causer de la peine à l’esprit. M. Genest a dit de Luther :

Il déchire l’Eglise, il s’acharne contre elle,
Et voulant s’affranchir des droits qu’elle a sur nous,
Il se les attribue, & les prodigue à tous.

Affranchir la pompe, se dit en termes de Marine, lorsqu’on jette, & qu’on tire plus d’eau par la pompe qu’il n’en entre dans le vaisseau. Ainsi la pompe est franche, quand il n’y a plus d’eau dans le vaisseau.

Affranchi, ie, part. & adj. Manumissus. Liberatus.

Affranchi, ie, subst. masc. & fem. Un esclave mis en liberté. Libertus, Liberta. L’Affranchi de Cicéron. Les jeunes Romains préféroient les Affranchies, qui étaloient leurs innocens appas sans fard, & sans artifice. Dac. Corneille a dit du Roi Attale :

Qui du Peuple Romain se nommoit l’Affranchi.

Les Affranchis prenoient le nom & le surnom de leurs maîtres, & s’unissoient par-là en quelque sorte à leur famille. A Athènes les Affranchis, & les fils naturels, étoient sur le même pied. Les Affranchis révéroient comme des Dieux, les personnes qui les avoient délivrés de la servitude. Patr.

AFFRANCHISSEMENT. s. m. Manumission, action par laquelle on affranchit un esclave. Manumissio. Il signifie aussi exemption de quelques charges, ou des impositions. Immunitas. Les affranchissemens se faisoient à Rome avec certaines formules. Les affranchissemens des charges, ou impositions publiques, ont été presque tous révoqués. Du temps de Louis IX. Roi de France on fit un affranchissement en faveur de certains villages, qui dépendoient de l’Abbaye de S. Germain des Prez. Le Mait.

Affranchissement, se prend aussi figurément pour toute sorte de délivrance. Liberatio. Ces pertes, que la nature préoccupée s’imagine faire par la mort, ne sont, à en bien juger, qu’un affranchissement d’un état, où le bien ne balance point le mal. Abad. Le premier pas que doivent faire ceux qui se consacrent à Jesus-Christ par les vœux de la Religion, est celui d’un affranchissement de toute appréhension de la mort. Ab.de la Tr.

AFFRES. s. f. plur. (l’a est long). Grand effroi causé par la vision de quelque objet terrible. Pavores. Les affres de la mort, Pavores mortis. Il n’est guère en usage que dans cette phrase. Affray, & Affraiment, se trouvent au même sens dans les Loix communes, ou Droit coutumier d’Angleterre. Harr. Ce mot vient de affari, quando quis nec loqui, nec affari potest præ timore. D’autres croient qu’il vient du son & du mouvement naturel qu’on fait dans le frémissement & dans le frisson, qui s’explique par fri &


fre : car en effet, ce qui donne de l’horreur & de la peur, donne une espèce de frisson. D’autres le dérivent du mot Grec φρήν & de α privatif, comme qui diroit, insensé & privé de jugement. Quelques-uns dérivent ce mot de Affricosus, comme qui diroit, qui vient d’Afrique, qui est le pays des monstres. Il est tout-à-fait hors d’uèsage.

AFFRÉTEMENT. s. masc. Terme de Marine. C’est la convention pour le louage d’un vaisseau. Navis conductio. Ce mot se dit sur l’Océan. Sur la Méditerranée on dit Nolissement. L’acte qu’on passe, quand on prend un vaisseau à louage, s’appelle Chartepartie.

AFFRÉTER. v. act. Prendre un vaisseau à louage. Navim conducere. Le propriétaire du navire fréte, ou donne à louage ; & le marchand chargeur affréte, prend à louage.

AFFRÉTEUR. s. m. Celui qui prend le vaisseau à loyer. Navis conductor. Ce mot vient de fretum, détroit de mer.

AFFREUSEMENT. adv. D’une manière affreuse. Terribilem in modum. Quand on est en colère, on regarde affreusement son ennemi. Torve intueri. L’usage de ce mot est assez borné ; & bien des gens voudroient qu’en sa place on dît d’une manière affreuse, ou qu’on se servît de quelqu’autre adverbe, comme de grandement, d’extrêmement, d’horriblement, &c. Il est extrêmement gros, il est horriblement laid, plutôt que, il est affreusement gros, il est affreusement laid. Ce seroit le plus sûr, & c’est en effet le plus ordinaire.

AFFREUX, EUSE. adj. Qui cause des affres, qui est horrible, qui fait peur, qui donne de l’effroi. Terribilis, horribilis, horrendus. Ce mot affreux veut le datif quand il est suivi d’un nom, & l’infinitif, quand il est suivi d’un verbe, en y ajoutant la particule à. La mort est quelque chose d’affreux à tout le monde, & plus encore aux méchans qu’à tous les autres. Tout n’est qu’or & que pourpre dans votre armée, celle des Macédoniens au contraire est affreuse à voir. Vaug. Il se met aussi quelquefois sans régime. L’Afrique a des monstres & des déserts affreux. Les mourans ont des regards affreux. Il a la mine affreuse. Arn. Sa fin fut affreuse. Boss. C’est l’avarice qui a rendu les hommes assez hardis, pour mépriser tout ce que la mort a d’affreux dans un naufrage. Bouh. M. de Caseneuve fait venir ce mot d’Afer Africain, à cause de la noirceur des Africains, qui les rend affreux. Voyez Affres, son primitif.

AFFRIANDER. v. act. Accoûtumer à la friandise. Allectare, prolectare. Il ne faut pas donner aux enfans trop de douceurs, cela les affriande. Vous m’affriandez à votre bonne chère. Vaug.

On dit en Fauconnerie, Affriander l’oiseau, lorsqu’avec de bon pât, soit de pigeonneaux, ou de poulets, on le fait revenir sur le leurre.

On le dit aussi au figuré des choses agréables à l’esprit. Allicere, illicere. Il s’est affriandé à la lecture des Romans, des Relations étrangères, de la poësie. On dit aussi, il est affriandé au jeu, il s’est affriandé au gain. Mais tout cela n’est bon que dans le style simple & familier.

Affriandé, ée. part.

AFFRIOLER, v. act. Terme populaire. Affriander, attirer par quelque amorce de plaisir. Les femme, sont aisément affriolées par la comédie & les cadeaux. On affriole les souris avec du lard, ou des noix, pour les prendre.

Affriolé, ée. part.

AFFRODILLE. s. f. ou ASPHODELE. Plante. Asphodelus, hasta regia. Cette plante a une tige droite comme une pique, ou hache royale, Voyez Asphodelle.

AFFRONT. s. m. Honte qu’on fait à quelqu’un, soit par des paroles outrageantes, soit par quelques coups, ou mauvais traitemens. Injuria, contumelia. Les affronts à l’honneur ne se réparent point. Corn. Il reçut un grand affront à l’audience, quand on lui fit voir son imposture. Il n’y a que le Christianisme qui nous puisse faire souffrir patiemment un affront. Un démenti est un sanglant affront.

On dit figurement, Boire un affront, avaler un affront, essuyer un affront ; pour dire, le recevoir, le souffrir. Sorbere, contumeliam, ac concoquere. On dit aussi, Ne pouvoir digérer un affront ; pour dire, qu’on l’a toujours sur le cœur ; qu’on ne le peut oublier. Comment pourriez-vous digérer un si cruel affront ?

Mon honneur est le sien, & le mortel affront. Qui tombe sur mon chef, rejaillit sur son front. Corn.


Il