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PREFACE vij


ce qu'on entend par-là, que quand il lira dans son Dictionnaire, que ce n'est autre chose que ce qu'on appelle en Latin, Repræsentatio pecuniae. J'en dis autant des différens usages d'un mot. Car, pour ne point m'écarter de celui que je viens de rapporter, on ne fera jamais mieux concevoir à un Etranger, en combien de manieres se peut prendre le terme d' avancer, qu'en lui marquant qu'il signifie, tantôt ce qu'on entend en Latin par procedere, tantôt ce qu'on entend par extare, prominere ou par crescere, maturescere, &c. C'est pour cela qu'on ne s'est pas contenté de mettre le mot principal en Latin, mais qu'on y a joint encore tous ceux qui en dépendent, comme en étant les principales parties ou les propriétés. Ainsi, sur le mot de Cheval, on ne s'en est pas tenu au mot Latin Equus ; on y a encore ajouté en Latin comme en François, les différentes espèces de chevaux, soit pour la couleur, soit pour la taille, comme on peut aisément le vérifier, & sur ce mot en particulier, dont il n'est pas besoin de faire un plus long extrait, & sur tous les autres en général.

C'est aussi dans la vûe de l'utilité qu'on peut tirer de ces deux Langues ainsi rapprochées & comparées l'une avec l'autre, que Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc du Maine, souhaita qu'à l'instar du Dictionnaire de la Crusca, on fît aussi un Dictionnaire Latin & François pour répondre à celui-ci qui est François & Latin ; Le Sieur Le C * * *. qui fut en même temps chargé de ce travail, a fait voir par les soins & l'application qu'il y a apportés, combien il étoit sensible à l'honneur d'exécuter l'intention de S. A. S. Et pour rendre ce nouveau Dictionnaire Latin & François d'autant plus conforme à celui qui est François & Latin, il l'a tiré du propre fonds de ce Dictionnaire même ; c'est pourquoi il n'a pas crû devoir s'étendre sur la signification & sur la définition des termes François qui répondent aux mots Latins : il s'est contenté, par un avertissement general qu'il a mis à la tête du Dictionnaire Latin, de renvoyer le Lecteur au Dictionnaire François & Latin, où il trouvera tout l'éclaircissement qu'il peut desirer sur ces termes, & qu'il auroit été par consequent inutile de répéter une seconde fois dans le corps de cet Ouvrage. Ce Dictionnaire est à la suite de celui-ci dans le sixième Volume ; & il devient par là d'autant plus utile qu'on y trouve en quelque sorte deux Dictionnaires en un seul, & qu'il peut également servir à composer en Latin & en François. On peut même ajoûter avec justice que de tous les Ouvrages qui ont été jusqu'à présent composés dans ce genre, celui-ci doit être regardé comme le plus complet, le plus commode pour les personnes qui travaillent, & en même temps le plus propre à étendre la Langue Françoise dans les Pays Etrangers.

Un second avantage particulier à cet Ouvrage, & qui en relève infiniment le prix au jugement de plusieurs Savans Hommes qui en avoient vû une partie avant qu'il fût entièrement imprimé ; c'est qu'on y trouve ce qui n'est non-seulement dans aucun autre Dictionnaire, mais même dans aucun autre Livre, je veux dire, une explication très-curieuse & très-nette de toutes les sectes différentes en fait de Religion. Comme ces mots transférés d'une Langue étrangere dans la nôtre, en font maintenant une partie, on n'a pû s'empêcher de les mettre en leur place ; & il eût été inutile de les y mettre, si l'on n'eût donné en même temps une explication assez ample pour faire connoître toute la force & l'étendue de leur signification. En effet, si l'on se fût contenté, pour tout commentaire au mot de Caraïte, de dire que c'est un nom de Sectaires parmi les Juifs, le Lecteur n'en seroit guère plus avancé, & ne sauroit point en quoi ils différeroient des autres Sectaires de cette Religion, tels que les Sadducéens, les Samaritains, &c. Il a donc fallu lui apprendre en même temps ce que cette secte avoit de particulier, & ce qui la distinguoit des autres. C'est pour cela qu'on en a marqué l'origine, en montrant, sur l'autorité d'un fameux Rabbin, qu'elle vient du mot de Caraï, mot dérivé de Kara ou Cara, qui signifie en Hebreu Lyre, & d'où se forme Micrah, qui veut dire le pur texte de la Bible, & Karaï ou Caraï, celui qui s'attache uniquement à ce texte, nom que l'on a donné à ces Sectaires, parce qu'ils rejettoient toutes les interprétations, paraphrases, & constitutions des Rabbins, qu'ils regardoient comme des rêveries, voulant qu'on s'en tînt précisément au texte & à la lettre. On fait remarquer que cette secte