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viij PREFACE.


subsiste encore aujourd'hui, & qu'il y a des Caraïtes en Pologne, à Constantinople, au Caire & en d'autres endroits du Levant ; qu'ils ont des synagogues, des cérémonies, des coutumes particulieres, & qu'ils se regardent comme les seuls vrais observateurs de la Loi de Moïse. On parle de l'opposition extrême qui est entre eux & les autres Juifs, qu'on nomme Rabanistes : on releve en passant les erreurs où quelques Ecrivains sont tombés à l'égard de ces Sectaires, en leur attribuant des opinions qu'on montre qu'ils n'avoient pas, comme de dire, qu'ils n'admettoient que le Pentateuque, ne reconnoissant point pour canoniques les autres Livres de l'ancien Testament ; qu'ils rejettoient absolument toutes sortes de Traditions, & qu'ils étoient Sadducéens. Enfin, on apporte quelques exemples qui font voir de quelle maniere ils s'y prenoient pour réfuter les constitutions du Talmud, s'appuyant principalement sur ce principe, qu'il falloit rejetter toutes celles qui n'étoient point conformes à l'Ecriture, ou qui n'en étoient point tirées par des conséquences manifestes & nécessaires. Si l'on s'est un peu étendu sur cet article que l'on a pris au hazard & sans choix, c'est afin qu'on pût juger de tous les autres par celui-là. Car si l'on veut se donner la peine de les examiner, on trouvera qu'ils sont tous traités avec le même soin & la même exactitude.

Au reste, si l'on a eu tant d'exactitude à expliquer les différentes sectes des Religions étrangeres, on en a encore plus apporté sur ce qui regarde les sectes particulieres qui partagent la Religion Chrétienne, & les hérésies diverses qui en sont sorties ; mais on a pris soin de ne point perdre de vûe la nature de l'Ouvrage auquel on travailloit. On s'est contenté d'exposer les opinions sur lesquelles ces hérésies sont fondées, & cela d'une maniere simple, & qui ne sortît point des bornes d'un Dictionnaire, où l'on ne doit toucher ces matieres, qu'autant qu'elles sont du ressort de la Grammaire, & que les termes qui leur sont particuliers font partie de la Langue. C'est aux Théologiens à réfuter les erreurs, & à établir les vérités sur lesquelles est appuyée la véritable Religion ; il suffit au Grammairien d'expliquer nettement les termes dont on est obligé d'user, en traitant ces sortes de questions, & de donner des notions claires de ces partis différens, qui se sont élevés contre l'Eglise C'est tout ce qu'on peut exiger de lui, & il sortiroit de son caractère, s'il poussoit l'érudition plus loin. On n'attend point de lui qu'il s'érige en Controversiste, mais qu'il mette les Controversistes en état de se rendre intelligibles les uns aux autres, dans les démêlés de Religion qu'ils ont ensemble. En un mot, sa jurisdiction est resserrée précisément dans les mots & dans les termes de la Langue, & elle ne s'étend point jusqu'aux choses, dont il ne lui est permis de parler qu'autant que cela est nécessaire, pour l'intelligence des mots mêmes, qui font proprement l'objet qu'il doit se proposer, & la matiere où doit se renfermer son érudition & sa critique. Il a le champ libre de ce côté-là, & il ne peut même se dispenser de discuter exactement les difficultés de Grammaire qu'il rencontre quelquefois en son chemin. C'est à quoi on a tâché de satisfaire dans ce Dictionnaire, où, quand on est tombé sur des termes dont tout le monde ne convient pas, par rapport à la force & à l'étendue de leur signification, & qui ont donné lieu à des contestations entre des Auteurs célèbres, jusqu'à rendre la chose problématique, on a crû devoir quelque explication sur ces points-là, afin de mettre le Lecteur à portée de prendre son parti. On en trouvera un exemple sur le mot de commerce, qu'un savant Critique avoit trouvé mauvais qu'on eût employé en bonne part dans la traduction du nouveau Testament, qui a paru depuis quelques années. L'Auteur qui, de l'aveu public, étoit un des hommes du monde qui entendoit le mieux notre Langue, & celui, peut-être, qui l'avoit étudiée le plus à fond, s'étoit servi du mot de commerce, pour traduire ces paroles de l'Ecriture, au sujet de Joseph & de Marie[1], antequàm convenissent, en les rendant ainsi, sans qu'auparavant ils eussent eu commerce ensemble. Il avoit été relevé sur cela ; & c'est ce qui a donné lieu de s'étendre un peu en tombant sur ce mot, où l'on vérifie par plusieurs exemples, qu'il est de soi indifférent au bien & au mal, & qu'il n'y a que le terme qu'on y joint, ou la matiere dont il s'agit, qui le détermine à un bon ou à un mauvais sens. On en a usé de la même maniere à l'égard des mots qui souffroient de semblables difficultés. Sans rien augmen-

  1. Matth Cap. I.
ter