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ABO ABO

Abord, se dit aussi de l’accès qu’on donne aux personnes qui ont à faire à nous. Le premier abord de cette femme est froid, & dédaigneux. Ce Prince a l’abord doux & gracieux. Sa bonté inspiroit de la confiance à ceux ausquels l’impression de ses grandeurs pouvoit faire appréhender son abord. Le P. Gail. Ce Juge est rebarbatif, il a l’abord brusque & désagréable. Il se dit aussi de la présence, de la vûe. Son abord importun me fait fuir. Préparez-vous à soutenir avec fermeté l’abord de votre Père. Mol.

Son air, son abord engage,
Il plait, il charme, il surprend ;
Il est grand en esprit, il est grand en courage,
Et son plus simple langage
A quelque chose de grand. L’Ab. Testu.

Abord, se dit de l’affluence des personnes, ou des marchandises qui arrivent en un même lieu. Appulsus. Constantinople est une ville d’un grand abord. Il y a un grand abord de Pelerins à Rome pendant l’année du Jubilé. Il y a un grand abord de joueurs, de beau monde dans une telle maison. L’abord des Marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établie dans les échelles d’Orient.

Abord, signifie encore, Arrivée. A notre abord dans l’Isle nous fûmes attaqués. Ablanc. Son abord dans le Royaume allarma tout le monde.

Abord, se dit aussi d’une attaque d’ennemis, soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à craindre, on ne peut soutenir leur premier abord. L’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau. Impetus, assultus.

d’Abord, tout d’abord, de prime abord, à la première vûe, sont des phrases adverbiales. Primo aspectu, prima fronte. Du commencement. Principio, initio. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. Tout d’abord a une signification plus forte. Quoique je n’eusse point vu cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. Cette nouvelle me surprit d’abord. Au premier abord ils se regarderent fièrement. De prime abord est vieilli, & se dit moins aujourd’hui.

d’Abord, incontinent. Aussitôt. Statim.

ABORDABLE. a. m. & f. Accessible, Ad quem facilis est aditus. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. Cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

ABORDAGE, s. m. Terme de marine, qui se dit lorsque deux vaisseaux se heurtent, ou s’accrochent pour se combattre. Appulsus. Aller à l’abordage, se dit de l’action d’un vaisseau qui en a joint un autre pour l’enlever. Faire l’abordage en belle ou de bout au corps ; c’est-à-dire, l’éperon dans le flanc. L’abordage de franc étable, est celui qui se fait par le devant, & en droiture, pour s’enferrer par les éperons. L’abordage de bout au corps, c’est mettre l’éperon dans le flanc.

Abordage, se dit aussi du choc de deux vaisseaux du même parti, soit lorsqu’ils vont en flotte, soit lorsqu’ils sont en même mouillage ; ce qui arrive par la violence des flots ou des vents qui les portent, & qui les font dériver les uns sur les autres.

ABORDER, v. n. Arriver en quelque lieu, spécialement par mer ; prendre terre. Navem, classem ad portum appellere. J’aborde, j’abordai, je suis abordé. Les Marchands abordent de tous côtés à la foire de Beaucaire le 21. de Juillet. On ne convient pas qu’Enée soit abordé en Italie. Il n’est pas sûr d’aborder à cette côte, parce que la mer se retirant, les vaisseaux y demeurent à sec. Ablanc. Il ne put aborder à cause que la rive étoit escarpée. Id. Ils aborderent en des pays inconnus. Vaug. Il signifie, Arriver en foule. Les présens abordent chez moi de toutes parts. Ablanc. Il signifie encore, Entrer, parvenir. Nous ne pûmes aborder de la place, parce que toutes les avenues étoient gardées. Il fut impossible d’aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du Peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemi de mettre pavillon bas, & d’aborder. Accedere. On dit de deux vaisseaux qui s’approchant en droiture, s’enferrent par leurs éperons, qu’ils s’abordent de franc étable. On dit, Aborder au port, sur les rivières : mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.


Aborder, v. act. signifie, attaquer l’ennemi hardiment, tant par mer, que par terre. Aggredi, invadere. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toujours d’empêcher qu’on ne les aborde. Ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

On dit aussi, Qu’on n’oseroit, ou qu’on ne peut aborder un lieu, à cause de la situation, ou de quelque autre obstacle qui le rend inaccessible, soit des voleurs, ou des bêtes farouches. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder de la basse-cour.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour lui parler. Adire aliquem, congredi cum aliquo. Ce Ministre est si honnête qu’on l’aborde facilement. Il l’aborda avec ce compliment : Les Grands doivent soulager le respect & la timidité de ceux qui n’osent les aborder. M. Esp.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lorsque la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix cachée dans le buisson.

Abordé, ée, part. & adj. Appulsus.

ABORENER. v. a. Ce mot se trouve dans le Roman de la Rose, pour dire, Abhorrer : il vient d’abhorrere. Borel.

ABORIGINES, ou Aborigènes. s. m. & pl. Il y a quatre principales opinions sur l’origine de ce peuple, qui feront connoître en même temps celle du nom. 1°. Aurelius Victor les appelle Aborigènes, comme si l’on disoit Abeorigenes, vagabonds, de ab & erro. J’erre çà & là : & il prétend que ce sont des Scythes, qui vinrent demeurer dans cette partie de l’Italie : Festus est aussi de ce sentiment. S. Jérôme dit qu’ils ont été appelés Aborigenes, parce qu’ils n’avoient point d’origine, de ab & origo, origine ; c’est-à-dire, parce qu’ils étoient originaires du pays, & non point d’une Colonie venue de nouveau, ou, comme dit Denis d’Halicarnasse qui rapporte ce sentiment, mais sans l’embrasser, διὰ τὸ γενέσεως τοῖς μετ´ αὐτοὺς ἄρξαι, parce qu’ils furent les chefs de la postérité qui habita ce pays. Virgile semble être de ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 177.

Saturnusque Senex Janique Bifrontis Imago,
Vestibulo adstabant, aliique ab origine Reges.

Car Servius remarque, que ab origine Reges, est mis pour Ab originum Reges. & Pline, Liv. IV dit qu’on appelle les Tyriens Aborigines Gadium, les Aborigines de Cadix, parce qu’ils en étoient les fondateurs. 3°. Denis d’Halicarnasse croit qu’ils sont appelés Aborigines ; Ἀϐοριγῖνες de ce qu’ils habitoient les montagnes, comme qui diroit Ἀπὸ ὄρεσι à Montibus. Virgile semble favoriser ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 321. v. 177.

Is genus indocile ac dispersum, Montibus altis
Composuit, legesque dedit.

D’autres, dit Danet, en suivant la même opinion, le dérivent de ab, pere, & de ori, caverne, ou lieu creux. L’origine est Hébraïque, mais il falloit dire, har, ouhor, Montagne, pere des montagnes : fils des montagnes, בני הרים seroit plus dans le génie de la Langue Hébraïque.

Quelques Auteurs prétendent que Cham, qui étoit le Saturne des Egyptiens, ayant ramassé divers peuples errans, les conduisit en Italie. Tite-Live & Denis d’Halicarnasse assûrent que les Aborigines vinrent d’Arcadie sous la conduite d’Œnotrus, fils de Lycaon : Genebrard prétend que ce sont des Phéniciens, ou Chananéens chassés par Josué. Outre les Auteurs que je viens de citer, voyez Suidas, & les Notes de Portus. Jean Picard dans la Celtopædie, Liv. V, prétend que les Aborigines étoient une Colonie Gauloise. Il se fonde non-seulement sur Caton & Solin, mais encore sur Timagène, fameux historien Grec, dont Suidas nous a conservé le témoignage, & sur Ammien Marcellin, qui dit, que les Aborigines parurent d’abord dans les Gaules. Danet & Maty écrivent Aborigènes, mais M. Corneille écrit Aborigines.

ABORNER, v. act. Terme de Géométrie. Donner des bornes à une terre. Limites ponere, statuere.

ABORTIF, ive, adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, ni la maturité. Abortivus. Il ne se dit guère que des plantes qui ont des fruits


abortifs.