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En Abrégé, adv. Sommairement, en peu de paroles. Summatim. Pour profiter de la lecture, il faut recueillir en abrégé ce qu’on trouve de plus curieux dans les Livres. Contez-nous la chose en abrégé, sans tant de circuits & de détours.

ABRÉGEMENT, s. m. Accourcissement. Contractio. Ce mot a été renouvellé, parce qu’il est très-commode. Le P. Bouhours le condamne pourtant dans cette phrase : Ceux qui ont voulu introduire l’usage des tables, semblent avoir été trompés par l’abrègement des paroles & du papier. Port-R.

ABRÉGER, v. act. Rendre en moins de paroles, ou renfermer dans un plus petit espace ; racourcir, resserrer ce qui est trop diffus. Contrahere. Abréger son discours, dire succinctement. On a abrégé le temps de son exil. Cette traverse abrége le chemin. Viæ compendium. Les jours de l’homme ont été abrégés, & réduits à 120. ans depuis le Deluge. Les excès abrégent la vie. Ablanc. Ce mot vient de abbreviare. Nicod.

Abrégé, ée, part. & adj. Racourci, le plus court. Contractus. Chemin abrégé pour aller à la gloire.

Pour abréger, Façon de parler adverbiale ; pour dire, enfin, pour conclusion. Quid multa, ne longum sit. On dit aussi, Abrégez, quand un Supérieur est ennuyé d’un discours trop prolixe qu’on lui fait. Contrahe. On le dit aussi en un calcul de jettons quand il y a trop de jettons sur une même ligne.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio. Le peuple s’en sert encore quand on lui dit ou qu’on lui fait quelque chose qui lui déplaît, à quoi il ne veut point participer ; & ce mot a de l’énergie, & marque quelque horreur, & comme Harris l’a remarqué du mot abrenonciation, un renoncement, un abandonnement entier ; tel en un mot que celui par lequel on renonce au Démon, d’où ce mot est pris.

ABRÉVIATEUR, s. m. Celui qui abrége un livre. Qui epitome conficit. Mr de Sponde Evêque de Pamiers est l’abréviateur de Baronius. Mr Bernier a rendu un grand service au Public ; il est l’abréviateur de Gassendi. Les abréviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux. Il faut du bon goût & de l’intelligence pour être un excellent abréviateur. Abréviateur, se dit encore de deux sortes d’Officiers de la Chancellerie Romaine. Les Abreviateurs, qu’on appelle de parco majori, sont des Prélats à qui le Régent de la Chancellerie distribue les Supliques, & qui ont des Substituts pour dresser la minute des Bulles. Et les Abréviateurs de parco minori ont le soin de dresser les dispenses de mariage.

ABRÉVIATION, s. f. Écriture en abrégé, qui se fait avec des marques & des caractères qui suppléent les Lettres qu’on retranche, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Scribendi compendium. Les signatures de la Cour de Rome sont pleines d’abréviations. L’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abréviations. On ne sauroit lire les Ecrits des Rabbins, qu’on n’ait une explication des abreviations Hébraïques. Les Copistes, ou les Ecrivains Juifs, ne se contentent pas de faire des abréviations, comme les Grecs & les Latins, en retranchant quelques lettres ou syllabes dans un mot. Ils ne mettent d’un mot que la première lettre ; ר signifie Rabbi : א signifie אל, ארוגו, ou אמר, &c. Selon l’endroit où il se trouve. Souvent même ils prennent ces premières lettres de plusieurs mots de suite, les joignent ensemble ; & en y ajoûtant des voyelles, ils font un nom barbare, qu’ils donnent à la personne qui porte les noms qu’ils ont abrégés de la sorte. Ainsi Rabbi Schelomoh Jarhhi, en jargon d’abréviations Hébraiques, s’appelle Rasi ; Rabbi Moise ben Maiemon, Rambam ; & de même en d’autres dictions que les noms propres. נבוא, par exemple, est mis pour מתז בםפר יבשהאף, Donum in abdito avertit iram. Mercerus, David de Pomis, Schindler, Buxtorf, & d’autres, ont fait des explications de ces espèces de chiffres, sans lesquelles on ne peut aborder les Rabbins, sur-tout en commençant. Les abréviations de l’écriture s’appeloient Notes dans l’Antiquité. On les appelle encore ainsi dans les anciennes inscriptions Latines. Plusieurs ont fait des collections & des explications des abréviations


Romaines. Une des plus amples est celle de Sertorius Ursatus, qui se trouve à la fin des Marbres d’Oxford. Sertorii Ursati Equitis, de notis Romanorum Commentarius. Tous ces mots viennent du Latin Abbreviare, dont l’origine est brevis, bref, court, qui vient du Grec Βραχὺϛ.

ABREUVER. v. a. Adoquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abeuvré. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abreuver, signifie aussi, Humecter & imbiber d’eau. Humectare, imbuere. Il faut abreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abreuvé d’eau. La terre est abreuvée par les pluies. Abreuver les prés, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées. Les porosités des corps sont abreuvées par des humeurs crues, épaisses, froides.

Abreuver, verbe actif, terme de Vernisseur. On dit dans ce sens, que la première couche de vernis ne se met que pour abreuver le bois.

Abreuver, Terme d’Agriculture, faire entrer l’eau dans un pré. Les prés ont besoin qu’on les abreuve. Nos prés n’ont pas besoin d’être abreuvés, à cause des pluies fréquentes qui les arrosent. Liger. Il semble qu’on ne le dit que des prés.

Abreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas il signifie boire, s’enyvrer. Inebriari. Ce jeune homme étoit si bien abreuvé, qu’il bronchoit à chaque pas.

Abreuver, signifie figurément, instruire, prévenir quelqu’un par quelque chose, & l’en remplir. Imbuere. Il l’a abreuvé de cette opinion. J’en suis abreuvé dès ma jeunesse. Tout le monde est abreuvé de cette nouvelle. Souvenez-vous de ces sources immortelles où vous vous êtes abreuvés des saintes eaux de la Sagesse. Patru.

Abreuvé, ée. part. pass. & adj. Imbutus.

Sitôt que du Nectar la troupe est abreuvée.

ABREUVOIR. s. m. Lieu où on abreuve les chevaux. Aquarium. Mener les chevaux à l’abreuvoir. Il se dit plus précisément d’un glacis le plus souvent pavé de grais, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin, ou à une rivière, pour abreuver les chevaux. Dav. Il se dit aussi de l’endroit d’un ruisseau où les oiseaux vont boire. On prend des oiseaux à l’abreuvoir, en y mettant grand nombre de petits gluaux. L’heure la plus convenable de tendre à l’abreuvoir est depuis dix heures jusqu’à onze, & depuis deux heures jusqu’à trois après midi, & enfin, une heure & demie devant le coucher du soleil, que les oiseaux viennent en foule à l’abreuvoir. Chomel.

Abreuvoir, en terme de Maçonnerie, se dit des intervalles que les Maçons laissent entre les joints des pierres, pour y faire entrer du mortier. En ce sens l’on se sert plus souvent du mot godet. Bima. Les Anglois se servent du mot abreuvoir dans ce même sens.

On dit proverbialement d’une plaie large & sanglante, que c’est un abreuvoir à mouches. Il lui a porté un coup à la tête, & lui a fait un grand abreuvoir à mouches. Ablanc. On dit aussi, qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abreuvoir, quand on se leve de table pour prendre soi-même à boire au buffet. Ces phrases sont du style burlesque.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoiqu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

Je veux une coëffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode. Mol.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Mouillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.


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