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cité, ce Paris superbe, tant vanté, devient leur unique, leur seul désir.

Passons maintenant à une autre classe de femmes fort intéressante aussi. Un grand nombre de femmes viennent à Paris, amenées par des spéculations de commerce, des procès ou autres affaires de ce genre. Comme les premières, elles n’ont personne qui puisse les guider, et sont obligées de confier leurs intérêts à des inconnus dont elles ne sont que trop souvent les dupes. L’inexpérience des affaires, qui accompagne ordinairement l’éducation actuelle des femmes, les rend un terrain facile à exploiter par les fripons et les intrigans de toute espèce ; leur bonhomie les perd, et leur isolement leur coûte bien des maux, souvent même la ruine complète de leur famille dans l’intérêt de laquelle elles avaient entrepris ce voyage. Combien de chagrins doivent s’accumuler sur leurs têtes ! Trompées, irritées, ruinées, elles maudissent Paris et ses habitans qui n’ont pas su présenter une main amicale à l’infortunée Étrangère venue pour défendre ses droits, et qui a dû repartir sans qu’une voix se soit élevée en sa faveur, ou qu’un seul cœur se soit attristé sur son malheur.

Arrivons enfin à la troisième classe, la plus nombreuse, la plus intéressante, et sur laquelle semblent se réunir toutes les douleurs, afin de la rendre digne de la plus profonde compassion.

On a toujours jeté anathème sur les grandes villes, en disant que là abondent les vices, les infamies ; que tout vient s’y cacher, s’y confondre, s’y engloutir. Cela n’est que trop vrai, mais aussi c’est là où l’on trouve la vertu qui y pleure et y meurt ignorée, le désespoir qui y gémit et s’y tord les mains en silence, et le malheur à l’attitude calme et résignée. Nous savons parfaitement que si une pauvre jeune fille, d’une petite ville de province, a été séduite, déshonorée, et abandonnée dans son malheur, cette infortunée n’a d’autre ressource pour cacher sa honte que d’aller se confondre dans cet abîme immense où tout se broie sous la même forme et prend la même couleur. C’est là aussi que vient chercher un refuge la femme malheureusement mariée, que nos institutions actuelles laissent vivre séparée de son mari, sans pourtant lui accorder un divorce nécessaire pour le bonheur de tous deux et l’ordre général. C’est là aussi où vient chercher refuge l’Étrangère que l’infortune, ou la ca-