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mandées, on les invitera à dîner, à un thé, à un bal ; mais rien de plus. Il leur sera extrêmement difficile de pénétrer dans la société ; car, pour y arriver, elles n’ont aucune voie. Comment donc fera l’Étrangère qui est venue à Paris avec la noble curiosité de visiter cette ville comme objet d’art, de science ? À qui donc pourra-t-elle s’adresser pour avoir des renseignemens utiles ? Qui pourra la mettre à même d’atteindre le but qu’elle s’était proposé, d’utiliser le temps qu’elle aura sacrifié pour faire ce voyage ? C’est un problème que nous ne pouvons résoudre. Sans doute, un guide des étrangers lui apprendra les jours et les heures où l’on peut visiter les monumens publics ; mais une Étrangère, une femme timide aura-t-elle le courage de visiter des lieux où il n’y a que des hommes, qui ne sont point habitués à y voir des femmes seules, et qui par cela même la regarderont d’un air singulier ? Et si elle en a eu le courage, lorsqu’elle sera dans un de ces lieux publics, en se voyant ainsi regardée, elle sera tout intimidée et n’osera pas adresser une seule question à qui que ce soit ; et elle devra renoncer au but de sa course, car elle sera forcée de revenir sans savoir ni le nom, ni l’utilité des mille choses qu’elle aurait eu tant d’intérêt à connaître. Hélas ! nous craignons qu’il ne se rencontre beaucoup de personnes au cœur froid et sec, qui viennent nous dire ! « Eh bien, si votre Étrangère est seule, qu’elle prenne un domestique de place. » D’abord nous répondrons à cela que très peu d’étrangères peuvent en supporter la dépense, qui est assez forte ; ensuite, nos domestiques de place ne ressemblent aucunement à leurs originaux les ciceroni de l’Italie. Là, c’est une charge qu’ils remplissent avec zèle, parce qu’ils s’identifient avec les monumens de leur ville dont ils croient voir rejaillir la gloire sur eux-mêmes, tandis qu’ici c’est un métier qu’on remplit tout au plus avec honnêteté. Beaucoup d’Étrangères qui viennent à Paris ne peuvent guère en visiter que la vingtième partie, et encore comment le font-elles ? d’une manière froide, triste, incommode : aussi tombent-elles bien vite dans le découragement, et leurs illusions s’évanouissent.

Elles ne sentent plus qu’un mal-aise indéfinissable tant au moral qu’au physique, et l’idée de quitter cette grande et belle