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voyant son mari en dépenser la plus forte partie au cabaret. Alors son irritation est portée au comble, et sa brutalité, sa méchanceté redoublent. — Il faut avoir vu de près ces ménages d’ouvriers (surtout les mauvais) pour se faire une idée du malheur qu’éprouve le mari, de la souffrance qu’éprouve la femme. — Des reproches, des injures, on passe aux coups, ensuite aux pleurs, au découragement et au désespoir[1].


    reux en ménage et plongés dans une misère extrême, j’ai trouvé des ivrognes incorrigibles.
    Le cabaret n’est donc pas la cause du mal, mais simplement l’effet. — La cause du mal est uniquement dans l’ignorance, la misère, l’abrutissement où la classe ouvrière est plongée. — Instruisez le peuple, et dans vingt ans les débitants de vin bleu, qui tiennent cabaret aux barrières, fermeront boutique faute de consommateurs.
    En Angleterre, où la classe ouvrière est beaucoup plus ignorante et malheureuse qu’en France, les ouvriers et ouvrières poussent ce vice de l’ivrognerie jusqu’à la démence.

    (Voyez à ce sujet ce qu’en dit Eug. Buret.)

  1. Je citerai à l’appui de ce que j’avance ici, touchant la brutalité des femmes du peuple et aussi l’excellence de leur nature, un fait qui est arrivé à Bordeaux en 1827, pendant mon séjour dans cette ville.
    Parmi les vendeuses de légumes qui tiennent boutique en plein vent sur la place du marché, il y en avait une redoutée de toutes les bonnes, tant elle était insolente, méchante et brutale. — Le mari de cette femme était boueur, et ramassait les boues dans les rues de la ville. — Un soir il rentre, et la soupe n’était pas prête. — Une dispute s’élève entre le mari et la femme. — Des injures le mari veut en venir aux voies de fait, et il donne un soufflet à sa femme. — Celle-ci, qui, en cet instant, taillait la soupe avec un grand couteau de cuisine, exaspérée par la colère, fondit sur son mari, son couteau à la main, et lui traversa le cœur. — Celui-ci tomba roide mort. — La femme fut conduite en prison.
    En voyant son mari mort, cette femme si brutale, si méchante,