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XIX

Il faut enfin qu’on cesse de confondre la charité avec l’aumône[1]. Depuis deux mille ans et plus, les Juifs et les Chrétiens font l’aumône, — et toujours, chez les Juifs et les Chrétiens, il y a des mendiants.

Eh quoi ! si les prêtres catholiques trouvent en France des milliers de femmes nobles et riches pour en faire leurs dames d’aumônes, pourquoi donc ne pas espérer trouver, dans cette même France, quelques centaines de femmes intelligentes et dévouées qui considèreraient comme un devoir, un honneur, de se faire femmes de charité ?

Examinons en quoi diffèrerait leur mission : — Les dames d’aumônes vont dans les maisons riches demander des aumônes pour les pauvres ; — puis, chez les pauvres pour leur distribuer des secours. Elles vont aussi dans les prisons parler aux prostituées, aux voleurs, aux criminels ; elles leur procurent de l’ouvrage, à leur sortie les placent, etc. — Certes, il y a du mérite à remplir une telle mission ; mais quels en sont les résultats ?… Nuls ! — Parce que les secours ne peuvent extirper la misère, — et la prostitution, le vol, le crime, en sont les conséquences inévitables.

Les femmes de charité iraient chez les riches leur démontrer qu’il est de leur devoir, de leur intérêt de travailler à extirper la misère, afin qu’il n’y ait plus ni prostituées ni criminels ; — elles leur démontreraient que la chose est possible, s’ils veulent s’engager à donner pendant dix ans, d’une manière régulière, la somme qu’ils donnent, chaque année, en

  1. Charité, — amour de Dieu : c’est la plus parfaite des trois vertus théologales. — L’amour, le zèle, la bienveillance qu’on a pour le prochain. (Dict.)
    Aumône, — se dit surtout de l’argent : faire l’aumône, vivre d’aumône, être réduit à l’aumône, être à l’aumône. (Dict.)