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reçoit la femme du peuple ? — Aucun. — Enfant, elle est laissée à la merci d’une mère et d’une grand’mère qui, elles-mêmes, n’ont reçu aucune éducation : — l’une, selon son naturel, sera brutale et méchante, la battra et la maltraitera sans motif ; — l’autre sera faible insouciante, et lui laissera faire toutes ses volontés. (En ceci, comme en tout ce que j’avance, je parle en général ; bien entendu j’admets de nombreuses exceptions.) La pauvre enfant s’élèvera au milieu des contradictions les plus choquantes, — un jour irritée par les coups et les traitements injustes, — le lendemain amollie, viciée par des gâteries non moins pernicieuses.

Au lieu de l’envoyer à l’école[1], on la gardera à la maison de préférence à ses frères, parce qu’on en tire mieux parti dans le ménage, soit pour bercer les enfants, faire les commissions, soigner la soupe, etc. — À 12 ans on la met en apprentissage : là elle continue à être exploitée par la patronne et souvent à être aussi maltraitée qu’elle l’était chez ses parents.

Rien n’aigrit le caractère, n’endurcit le cœur, ne rend l’esprit méchant comme la souffrance continuelle qu’un enfant endure par suite d’un traitement injuste et brutal. — D’abord l’injustice nous blesse, nous afflige, nous désespère ; puis lorsqu’elle

  1. J’ai su, par une personne qui a passé les examens pour tenir une salle d’asile, que, par des ordres reçus de haut, les instituteurs de ces sortes d’écoles devaient s’occuper de développer l’intelligence des garçons plus que celle des filles. — Généralement, tous les maîtres d’école de village agissent de même à l’égard des enfants qu’ils instruisent. Plusieurs m’ont avoué qu’ils en recevaient l’ordre. Ceci est encore une conséquence logique de la position inégale qu’occupent dans la société l’homme et la femme. Il y a, à ce sujet, un dire, qui est proverbial : « Oh ! pour une femme, elle en sait toujours bien assez ! »