Page:Tristan Bernard - Contes de Pantruche.djvu/121

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Léonard, comme il est sympathique ! C’est l’officier de marine, le fiancé de Glorieuse. Il est admirable d’intégrité, de loyauté et d’honneur.

Balbus. — « Léonard, tout en se rendant chez la veuve de l’amiral, additionnait mentalement les sommes qu’il avait encaissées dans sa tournée du matin. Il avait touché 55 francs chez Georgette. La nuit avait été moins bonne pour Maria qui n’avait amené que deux louis. Quant à Irma, elle arrivait comme toujours bonne première avec 70 francs. Et encore Léonard la soupçonnait d’en cacher. » (S’interrompant :) Mais c’est absolument ignoble. Et voilà le monsieur que tu me présentes comme la personnification de l’honneur et de l’intégrité ?

Mme Balbus. — Tu ne comprends pas. Moi, je ne sais pas ce qu’il veut dire avec ces histoires de femmes et d’argent, mais tu comprendrais, comme moi, si tu avais lu le feuilleton, que Léonard n’est pas capable d’une chose ignoble.

Balbus. — Il se fait simplement entretenir par des femmes, ton Léonard. C’est dégoûtant qu’un auteur ose prêter un tel rôle à un officier de marine ! Si c’est là ta littérature, je t’en félicite. C’est du propre !

Mme Balbus (avec autorité). — Je te répète que Léonard n’est pas capable d’une chose ignoble. S’il agit ainsi, c’est qu’il a ses raisons, qui sont des plus généreuses et des plus désintéressées… Continue !

Balbus. — « Léonard arriva chez la veuve de l’amiral. ».

Mme Balbus. — C’est elle qui a élevé Léonard, c’est une sainte !

Balbus. — « Dès qu’elle vit entrer le jeune homme, elle se précipita à son cou. « Prends-moi ! Prends-moi ! » s’écria-t-elle avec véhémence. Il l’entraîna vers le fond de la pièce. »