Page:Tristan L’Hermite - Les Amours de Tristan, 1638.djvu/65

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Ie connois ſon humeur, & ſçay que ſa beauté
      Se plaiſt dans vne cruauté
Qui ſe mocque touſiours des ſoupirs & des larmes
        Que font naiſtre ſes charmes.

Mais toute ceſte glace augmente mon ardeur,
      Et pour conſeruer leur odeur
Il eſt bien à propos que des Roſes diuines
        Ne ſoient point ſans eſpines.

Quand les difficultez irritent nos deſirs,
      Nous en gouſtons mieux les plaiſirs ;
Et la Palme que donne vne victoire aiſee
        Eſt touſiours meſpriſee.

Puis que pour de grands prix on fait de grands efforts,
      Il faut bien que pour des treſors
Qui pourroient ſatisfaire à la plus belle enuie,
        I'auanture ma vie.

Que s'il ne me ſuccede auecque du bon-heur,
      Pour le moins i'auray cét honneur
D'attaquer vn rampart que d'vn effort vulgaire
        On n'eſbranleroit guere.

I'auray ce reconfort, y trouuant mon cercueil,
      D'aborder le plus bel eſcueil
Contre qui les deſſeins du plus digne courage
        Puiſſent faire naufrage.