Page:Trolliet - La Route fraternelle, 1900.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


III

Car la vocation de tous, tant que nous sommes,
Se fait à notre insu, dans tel jour, en tels lieux,
Et telle vision première laisse aux hommes
Ce reflet inspiré qu’ils portent dans les yeux :
Parfois l’heure qui sonne est l’heure de la grâce !
Et la cloche qui pleure, ou le fleuve qui passe,
Ou le bois qui frémit, jette à travers l’espace
À tel enfant l’appel des cieux.


IV

L’appel me vint du Rhône. À peine un jet de flèche
Sépare de ses eaux mon village natal ;
Et même l’on m’a dit que ma chétive crèche
Faillit être emportée en son grand lit fatal ;
Car l’an cinquante-six, au mois de mon baptême,
Il submergea les champs, les bourgs, et Lyon même,
Et battit de ses flots, Louis le quatorzième,
À Bellecour, ton piédestal.


V

C’est pourquoi, doublement, par amour et par crainte,
— Mon berceau par ses flots à demi ballotté, —
Je subis son empire et reçus son empreinte,
Et mon premier regard chercha sa majesté !
Et mon âme emprunta sa teinte idéaliste
À son azur errant, et mon cœur un peu triste
Emprunta son nuage au brouillard qui persiste,
Comme un voile, sur sa beauté.